Le 23 octobre 2025, le tribunal judiciaire de Paris a reconnu TotalEnergies coupable de pratiques commerciales trompeuses. L’entreprise avait diffusé plusieurs campagnes vantant une « neutralité carbone » et une « transition énergétique » jugées incompatibles avec la réalité de ses activités. Pour les ONG à l’origine du recours, cette décision consacre une avancée majeure dans la lutte contre la désinformation climatique. Pour les juristes, elle ouvre la voie à une nouvelle génération de procès environnementaux.
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Le greenwashing de TotalEnergies reconnu par la justice
Tout a commencé avec des affiches et des vidéos publicitaires diffusées en 2021, au moment où le groupe Total devenait « TotalEnergies ». La campagne affirmait que l’entreprise « produit une énergie plus propre » et « s’engage pour la neutralité carbone » à l’horizon 2050. Un discours soigneusement calibré pour montrer une mutation écologique… mais que les ONG ont jugé mensonger.
Soutenus par Les Amis de la Terre, Greenpeace France et Notre Affaire à Tous, les plaignants ont démontré que 78 % du chiffre d’affaires du groupe provenait encore des énergies fossiles. Le tribunal leur a donné raison : ces publicités, largement diffusées dans les transports et sur Internet, ont pu induire le consommateur en erreur sur la nature réelle de la transition engagée.
Dans sa décision, la juridiction souligne que ces messages ne reposaient pas sur des éléments concrets et qu’ils donnaient « une représentation inexacte de l’impact environnemental de l’entreprise ». En clair, l’engagement climatique ne peut plus se réduire à un slogan, surtout lorsqu’il provient d’un acteur dont le modèle économique repose sur le pétrole et le gaz.
Une victoire symbolique pour les ONG, un avertissement pour les grandes entreprises
La condamnation de TotalEnergies reste partielle mais constitue une avancée historique. Le groupe devra verser 8 000 euros à chacune des trois associations plaignantes, ainsi que 15 000 euros de frais de justice. Il doit aussi retirer de son site Internet toute allégation jugée trompeuse et publier le jugement sous peine d’une astreinte de 20 000 euros par jour.
Les ONG saluent une victoire obtenue après plus de trois ans de bataille judiciaire. « C’est un précédent juridique contre la désinformation climatique », a déclaré Les Amis de la Terre. Greenpeace parle d’un « signal fort envoyé aux multinationales qui pensent pouvoir acheter une image verte ». Pour elles, ce jugement consacre le principe selon lequel le droit peut contraindre les entreprises à la cohérence entre leurs paroles et leurs actes.
Cette affaire illustre aussi un mouvement de fond. Partout en Europe, les ONG utilisent désormais les outils juridiques pour exiger des comptes sur la communication climatique. Des actions similaires visent d’autres majors de l’énergie et plusieurs banques, accusées de présenter leurs investissements « verts » de manière exagérée.
Un nouveau cadre pour la communication environnementale
Juridiquement, ce verdict s’appuie sur la directive européenne sur les pratiques commerciales déloyales, qui interdit toute publicité de nature à tromper le consommateur. En France, le Code de la consommation transpose cette règle depuis 2008. Mais c’est la première fois qu’un tribunal l’applique explicitement à un cas de communication climatique.
Ce précédent pourrait peser sur l’ensemble des acteurs économiques. Dorénavant, toute entreprise vantant sa neutralité carbone devra être capable de le prouver scientifiquement : trajectoire chiffrée, audits indépendants,indicateurs vérifiables. Les campagnes reposant sur des promesses vagues ou des objectifs conditionnels pourraient être considérées comme des manquements au droit de la consommation.
Les experts en droit de l’environnement soulignent aussi un effet domino. Cette décision pourrait inciter la Commission européenne à renforcer la future directive « Green Claims », qui vise à encadrer les allégations environnementales dans la publicité. Pour la première fois, les tribunaux nationaux montrent qu’ils peuvent servir de garde-fous face au marketing climatique.
Une décision aux implications écologiques et politiques profondes
Au-delà du symbole, la condamnation de TotalEnergies pose une question centrale : quelle place pour les grands groupes fossiles dans la transition énergétique ? En sanctionnant l’entreprise pour greenwashing, la justice française envoie le message que la crédibilité écologique doit désormais se prouver par les faits, non par les slogans.
Ce jugement pourrait aussi influer sur la régulation internationale. En 2026, l’Union européenne prévoit d’instaurer un étiquetage environnemental harmonisé pour les entreprises et produits « verts ». L’affaire TotalEnergies servira sans doute de référence dans la rédaction des lignes directrices de mise en œuvre.
Enfin, cette décision révèle la montée en puissance du contentieux climatique : plus de 2 500 procédures de ce type sont en cours dans le monde. En France, les tribunaux deviennent de véritables arbitres de la sincérité écologique.
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Source: www.greenetvert.fr
