Agriculture : L’assurance récolte, entre protection et paperasse
Certes, les agriculteurs doivent supporter jusqu’à 20 % de pertes – un seuil de franchise abaissé -, mais ils sont mieux couverts en cas de coup dur avec un deuxième niveau pris en charge par un assureur privé (jusqu’à 50 %).
Pour les grosses catastrophes, un troisième niveau est désormais couvert par une « indemnité de solidarité nationale » financée par l’Etat. Les primes d’assurance, elles, sont désormais davantage subventionnées, à 70 %.
Ceux qui ne souscrivent pas d'assurance multirisques climatiques (MRC) doivent prendre leur risque : la couverture auparavant apportée par l'Etat au titre des calamités agricoles décroît progressivement, laissant l'essentiel des pertes à leur charge.
Le système précédent était "structurellement déficitaire" avec la multiplication des intempéries ravageuses, et "désincitatif", estime-t-on au ministère de l'Agriculture.
Si les grandes cultures et la viticulture étaient en partie assurées, les prairies et l’arboriculture ne l’étaient quasiment pas. Un an après la réforme, on est passé de 4,8 à 6,5 millions d’hectares assurés en MRC pour la « Ferme France », de 17 à 23,5 %. Un « beau résultat » pour le ministère. Le but du jeu étant aussi de faire baisser les primes si les agriculteurs sont plus nombreux à s’assurer.
Mais la campagne de souscription 2024, actuellement en cours, patine. On devrait avoir selon Delphine Létendart, directrice assurances du leader Groupama, "une progression faible, voire une stabilité des surfaces assurées".
La cause, selon elle : après le gel de 2021 et la sécheresse de 2022, l’année dernière a été relativement clémente, ce qui incite moins à s’assurer.
Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l'agriculture chez le numéro 2 Pacifica (Crédit Agricole), pointe aussi "une mobilisation des agriculteurs sur bien d’autres sujets » ces dernières semaines.
"Remplir des papiers"
"Il vaut mieux investir dans du matériel contre le gel que s'assurer pour ne rien toucher", juge Benoit Trocard, un viticulteur dans le Bordelais encore furieux de n'avoir "rien touché" quand ses vignes ont gelé en 2021. Quand il était assuré, "ça nous coûtait plus de 50 000 euros par an", soupire-t-il.
Son collègue François Janoueix n'est pas assuré non plus, "parce que c'est trop compliqué, trop contraignant". "Je suis là pour produire du vin et le vendre, pas pour remplir des papiers toute la journée ! »
"Il y a quelques lourdeurs administratives qui ne vont pas dans le sens d'une facilitation de l'indemnisation rapide, qui était l'objet de la réforme", regrette François Schmitt, agriculteur lui-même et président de Groupama.
En cause, notamment, "la superposition des normes", avec une indemnité de solidarité nationale pour les catastrophes qui comme son nom l’indique est nationale, tandis que la subvention des primes d’assurance est européenne (et est remboursée a posteriori). Les assurés doivent fournir davantage de justificatifs, et communiquer leurs historiques de rendement.
"Je ne suis pas certain que ça rende le dispositif complètement attractif", souligne Stanislas de Baynast, directeur du marché agricole chez Abeille Assurances.
Pas encore au point
Le processus n'est pas encore totalement au point. Les éleveurs contestent toujours le mode d'évaluation (par satellite) des dégâts en prairie, synonymes de pertes fourragères. Un réseau de fermes témoins doit corriger le tir le cas échéant.
Les agriculteurs peu ou pas assurés devront en outre s'inscrire auprès d'un assureur pour bénéficier de l'indemnité de solidarité nationale. Pour les prairies, ce "guichet unique" ouvrira à partir du 1er mars, en toute discrétion.
De nombreux éleveurs rencontrés par l'AFP au Salon de l'agriculture, à Paris, n'ont jamais entendu parler de la réforme de l'assurance récolte. Il faut dire qu’ils n’étaient que 0,5% à être assurés avant la réforme; le taux est passé à 9 % en 2023.
Philippe Trigosse, qui élève des vaches Aubrac en Lozère, est converti. "On a pris cette assurance qui nous permettra, une année de sécheresse, de moins décapitaliser (réduire, NDLR) le cheptel. Il y a de moins en moins d'aides, on est obligé de céder des bêtes pour pouvoir nourrir les autres", dit-il. La dernière sécheresse lui a coûté pour plus de 50 000 euros de perte de foin quand la prime d'assurance est d'environ 2 500 euros.
Avec AFP.
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Source: www.linfodurable.fr