Quel est l’impact de la pluie sur le puits de carbone océanique ?
Près de 2,7 milliards de tonnes. C’est la quantité de dioxyde de carbone (CO2) absorbée chaque année par les océans. Cela représente, selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le quart des émissions humaines de CO2, ce qui fait de l’océan le principal puits de carbone. Ces échanges entre l’eau et l’air sont régis par des processus physico-chimiques qui varient en fonction de paramètres tels que la salinité de l’eau ou sa température. Mais une étude récente, réalisée conjointement par le CNRS Terre & Univers et des scientifiques de l’université d’Hawaï, s’est penchée sur un élément dont les effets n’avaient jusqu’à présent pas été étudiés dans leur globalité : la pluie.
Grâce à l’analyse de données récoltées entre 2008 et 2018, les chercheurs ont démontré que la pluie pouvait augmenter le puits de carbone océanique de 140 à 190 millions de tonnes par an. Soit une hausse de 5 à 7 %. Concrètement, la pluie modifie les propriétés physiques et biogéochimiques de la surface de l’océan et favorise l’absorption de plus grandes quantités de CO2. Et ce grâce à trois leviers.
Turbulence de surface, dilution et apport direct de CO2
"Le premier effet est un accroissement du mélange turbulent à la surface » explique au micro de France Culture Laëtitia Parc, chercheuse doctorante au laboratoire de météorologie dynamique de l’ENS et à Sorbonne Université, et première autrice de l’étude. La turbulence créée par la pluie à la surface « favorise le renouvellement de cette couche de surface et […] les échanges, aussi bien de chaleur que de masse, entre l’atmosphère et l’océan ».
Ensuite, c’est la dilution de l’eau de mer par la pluie qui a un effet favorable. « La pluie apporte de l’eau qui est en général plus douce et plus fraîche que la surface de l’océan », poursuit Laëtitia Parc. « Ça va modifier l’équilibre chimique du CO2 et avoir tendance à soit augmenter le puits de carbone, soit diminuer le rejet de CO2 ».
Mais la pluie apporte aussi directement du dioxyde de carbone à l’océan. « C’est ce qu’on appelle un dépôt humide de CO2, […] lié à l’absorption de CO2 par les gouttes de pluie pendant leur chute » indique la chercheuse. À lui seul, le dépôt humide joue un rôle comparable à l’augmentation des échanges en surface par la turbulence et la dilution de l’eau.
Des effets visibles sous les tropiques et sous de plus hautes latitudes
Les effets de ces différents leviers ne sont pas répartis de manière homogène à la surface de l’océan. Ils sont principalement visibles dans les régions tropicales, marquées par des pluies abondantes et des vents peu violents. « Le climat favorable pour que la pluie ait un impact potentiellement fort », résume Laëtitia Parc, les fortes pluies et les vents faibles permettant une dilution plus importante de l’eau de surface. Mais, de manière plus surprenante, ils ont également constaté un accroissement du puits océanique sous de plus hautes latitudes. Notamment au niveau de rails de dépression et de l’océan Austral. Dans ces régions, où les vents sont plus importants, le puits de carbone est principalement augmenté par les dépôts humides de CO2.
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Si les effets de la turbulence, de la dilution et de l’apport direct de CO2 par les gouttes de pluie étaient déjà connus des scientifiques, ils n’avaient jusqu’à présent pas été étudiés en même temps, ou alors seulement de manière locale. La pluie n’est donc pas prise en compte dans le calcul du bilan carbone planétaire, ce que les scientifiques à l’origine de l’étude appellent à corriger.
Source: www.linfodurable.fr