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Méditerranée orientale : une eau brûlante qui attire des espèces invasives
Dans les profondeurs limpides de la province turque d’Antalya, Murat Draman, instructeur de plongée, ne cache plus sa stupeur : «Nous étions à 30 mètres de profondeur ce matin et l’eau était à 29 ° », témoigne-t-il dans La Nouvelle République. Ce plongeur observe depuis vingt ans une mutation accélérée. En surface, les thermomètres flirtent avec les 32 °C, un record local.
Cette chaleur n’est pas qu’un simple chiffre. Elle agit comme un appel d’air pour les espèces venues de la mer Rouge qui progressent par le canal de Suez. L’invasion a débuté dès son ouverture en 1869, mais la hausse des températures et l’élargissement du passage en 2015 favorisent aujourd’hui l’arrivée croissante de nouvelles espèces chaque année.
Une eau chaude qui bouleverse les équilibres écologiques
À Antalya, le poisson-lion (Pterois miles), avec ses nageoires tachetées et sa voracité, se multiplie à une vitesse fulgurante. «Il y a une dizaine d’années, on en voyait un ou deux. Désormais c’est une quinzaine, une vingtaine à chaque plongée, plus que quand nous allons en mer Rouge », précise Murat Draman. Derrière cette flambée, un massacre silencieux : poulpes, calmars, gobies, rien n’y échappe.
Ces mêmes invasives colonisent désormais les eaux du Liban, d’Israël, jusqu’à Malte, à 1 700 kilomètres du canal de Suez. Le Pr Rilov sonne l’alarme dans le quotidien. Nombre d’espèces indigènes ont déjà disparu, victimes de températures intenables ou d’une compétition trop rude. « Ce qui se passe ici se produira dans 5, 10 ou 20 ans au nord et à l’ouest de la Méditerranée ».
Records de chaleur et menace de tropicalisation totale
Les chiffres confirment cette dérive. D’après Mercator Ocean International, les mois de juin et juillet 2025 ont été les plus chauds jamais enregistrés en Méditerranée. La température moyenne de surface en juillet a atteint 26,68 °C, du jamais-vu. TF1 Info rappelait le 14 août 2025 qu’en juin, la mer affichait déjà «26,01 °C en moyenne, soit trois degrés de plus que la normale 1991-2020 ».
Dans un scénario intermédiaire, une étude publiée en avril 2024 dans la revue scientifique PNAS anticipe une invasion d’espèces atlantiques via le détroit de Gibraltar dès 2050. Dans l’hypothèse la plus sombre, la Méditerranée sera entièrement tropicalisée d’ici 2100.
Quand la Méditerranée devient laboratoire du changement climatique
Pour Wolfgang Cramer, écologue à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie, interrogé par le site Vert Eco « la mer Méditerranée est en voie de tropicalisation, au sens biologique et climatique ». Cette transformation ne se limite pas aux poissons. Elle frappe les herbiers de posidonie, les coraux, le coralligène. Elle modifie la chaîne alimentaire, déstabilise la pêche, menace les ressources alimentaires côtières.
Face à la menace, certains appellent à sanctuariser les aires marines protégées. Murat Draman insiste dans La Nouvelle République : il faut «tenir les espèces invasives le plus à l’écart des aires marines protégées, pour faire en sorte d’y conserver de la biodiversité ». Mais la question demeure, comment protéger efficacement une mer entière, quand la chaleur progresse et que les barrières naturelles s’effondrent ?
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Source: www.greenetvert.fr
