L’ONG BLOOM, en partenariat avec The Shift Project, a publié, le 17 novembre, une évaluation sans précédent de l’empreinte carbone du secteur de la pêche en France. Selon ce rapport, la filière émet au minimum 1,14 million de tonnes de CO₂ équivalent chaque année. Ce chiffre, encore sous-estimé selon les auteurs, souligne une vulnérabilité environnementale et économique forte, liée en premier lieu à la consommation de carburants. L’analyse des émissions globales, de leur répartition et des leviers identifiés pour une transition plus durable s’impose désormais comme une priorité.
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Un poids carbone massif dominé par les carburants fossiles
En 2022, les navires de pêche français ont consommé environ 312 millions de litres de carburant, générant à eux seuls 961 000 tonnes d’équivalent CO₂. Ce poste représente 84 % de l’empreinte carbone totale du secteur, estimée à 1,14 million de tonnes selon l’étude menée par BLOOM et The Shift Project. Cette évaluation prend en compte l’ensemble du cycle, de la construction des bateaux à la mise à quai des captures.
Bien que cette contribution ne représente que 0,2 % de l’empreinte carbone nationale, elle reste très significative dans le cadre des engagements climatiques français. L’ingénieur Victor Godinot, co-auteur de l’étude, prévient : «Même la borne basse représenterait le deuxième poste d’émissions du secteur ». Ce chiffre pourrait d’ailleurs être largement dépassé si l’on intégrait certaines données encore non comptabilisées.
Des disparités d’émissions majeures selon les engins et navires
Les émissions ne sont pas uniformément réparties au sein de la flotte. Certaines techniques de pêche et types de navires concentrent l’essentiel de l’empreinte carbone. Par exemple,les navires de plus de 24 mètres, qui ne représentent que 3,7 % des bateaux, sont responsables de 49 % des émissions globales du secteur. Encore plus marquant, les 39 navires de plus de 40 mètres, soit seulement 1 % de la flotte, génèrent à eux seuls 29 % des rejets carbonés.
La méthode de pêche joue également un rôle déterminant. Les chalutiers de fond, bien que ne représentant que 11 % de la flotte (soit 583 navires), concentrent au moins 46 % des émissions du secteur, avec un total estimé à 530 000 tonnes de CO₂ équivalent. Rapportée au kilo de poisson pêché, leur intensité carbone atteint entre 3,9 et 4,3 kg CO₂, contre une moyenne sectorielle de 2,2 kg. Ces données révèlent un déséquilibre marqué : une minorité de navires, dotés de techniques intensives et consommatrices d’énergie, est responsable d’une large majorité des émissions.
Transition nécessaire et leviers d’action pour décarboner la filière
Face à ce constat, le rapport préconise une révision en profondeur des pratiques actuelles. Il souligne la nécessité de réduire la dépendance aux carburants fossiles, notamment en favorisant des engins de pêche moins émissifs, et en orientant les quotas vers une pêche artisanale, locale et plus sobre en énergie. Au-delà de la combustion de carburant, une autre source potentielle d’émissions a été identifiée : le relargage de carbone sédimentaire causé par le chalutage des fonds marins. Bien qu’encore incertaine,cette estimation pourrait ajouter entre 104 000 et 883 000 tonnes de CO₂ équivalent à l’empreinte annuelle du secteur.
Cependant, en raison des incertitudes scientifiques, ce volume n’a pas été intégré au bilan officiel. La modernisation de la flotte, le renouvellement des motorisations et la valorisation des captures issues de méthodes plus vertueuses sont autant de pistes envisagées pour aligner la pêche française avec les objectifs climatiques. Mais cette transition suppose un accompagnement économique, une volonté politique forte et une transformation structurelle des pratiques en mer.
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Source: www.greenetvert.fr
