Réforme des quotas carbone européens: un « pari incertain », selon un rapport parlementaire
La réforme du système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre et la mise en place d'une taxe carbone aux frontières relèvent "du pari" et font "naître la possibilité d'un péril pour l'industrie européeenne", estiment des parlementaires français.
Un rapport de la Commission des affaires européennes, publié mercredi et présenté par le député Horizons Henri Alfandari, s’attaque à l’un des sujets les plus techniques de la politique environnementale de l’Union européenne: le système des quotas carbone (SEQE-UE ou EU ETS en anglais).
En 2005, l'UE lance un système par lequel les entreprises énergivores et/ou polluantes obtiennent un quota de "droits à polluer" pour leurs infrastructures (usines, raffineries, etc.). Si elles le dépassent, elles doivent acheter des quotas d'émissions supplémentaires (un quota équivaut à une tonne de CO2). S'il leur en reste, elles peuvent les revendre.
Le total des quotas alloués doit baisser au fil des années pour inciter les entreprises à réduire leurs émissions (système de "cap and trade", plafonnement et ajustement). Et leur prix est censé être assez élevé pour inciter à investir dans la décarbonation.
Le rapport note que, depuis sa création, le système était "du côté des entreprises" en raison de l'allocation de "grandes quantités de quotas gratuits aux installations industrielles, afin de préserver leur compétitivité sur le marché mondial".
Le système a tout de même rapporté "152 milliards d'euros de recette", dont au moins 50% devaient être utilisés "dans des actions liées au climat et à l'énergie".
S'ils ont permis de créer une "culture du carbone" dans les entreprises européennes, selon le rapporteur, les quotas n'ont toutefois pas entraîné une réduction des émissions de gaz à effet de serre suffisantes pour être en ligne avec les objectifs climatiques de l'UE.
L'efficacité de ce système européen a souvent fait débat mais de nombreux pays ont emboîté le pas à l'UE en créant des mécanismes similaires.
Les auteurs du rapport pointent "l'inefficacité du marché carbone européen pour réduire les émissions" mais ce point est contesté par des experts, avec des chiffres qui varient selon les études, et des responsables politiques. Le besoin d'amélioration fait toutefois consensus.
– "Préserver la compétitivité" –
La réforme du système, adoptée mi-2023 prévoit justement une accélération des réductions des quotas et une extension progressive au secteur maritime, entamée le 1er janvier 2024, puis aux émissions des vols aériens intra-européens mais aussi au chauffage des bâtiments et aux carburants routiers.
Mais le rapport estime que "la réalité industrielle" n'a pas été prise en compte par rapport aux objectifs climatiques et s'inquiète de "la possibilité d'un péril pour l'industrie européenne" quand les Etats-Unis investissent eux massivement "pour les industries propres sur leur sol".
Cette réforme s'accompagne de l'introduction future d'une taxe carbone "aux frontières" qui obligera les entreprises important dans l'Union européenne des marchandises polluantes (fer, acier, aluminium, ciment, engrais, électricité…) à payer une taxe sur le CO2 émis lors de leur fabrication à l'étranger.
Le rapport parlementaire souligne que ce mécanisme est crucial pour "limiter les fuites de carbone", c'est-à-dire les délocalisations d'entreprises vers des pays "moins-disants en matière environnementale", et pour "préserver la compétitivité des entreprises européennes".
Mais les parlementaires français s'inquiètent de son "périmètre limité" (les produits "finis", c'est-à-dire transformés ou manufacturés, ne sont pas concernés) qui laisse "la porte ouverte à de nombreuses stratégies de contournement".
"Le succès de cette réforme relève d'un pari qui semble très incertain à ce stade", conclut le rapporteur, affirmant qu'il est "essentiel de réfléchir dès à présent à d'autres moyens d'attribuer un prix au carbone au niveau mondial, pour atteindre nos objectifs climatiques et se doter d'une référence commune dans les négociations internationales".
Source: www.linfodurable.fr