Qu’est-ce que l’ultra fast fashion ?
Une mode consommée toujours plus rapidement. Voilà l’idée que veut exprimer le terme "fast fashion". Inventé par la journaliste de mode du New York Times Anne-Marie Schiro, il apparaît pour la première fois sous sa plume le 31 décembre 1989, alors qu’elle décrivait l’ouverture de boutiques d’un nouveau genre à New York. Elle soulignait la capacité de ces marques à produire très rapidement de nouvelles collections.
Parmi ces enseignes, la journaliste cite Zara et H&M, qui ont le vent en poupe dès les années 1990. Elles sont rapidement rejointes sur le marché par d’autres références aujourd’hui bien connues : Stradivarius, Bershka, Pull and Bear…
Ces marques ont marqué le paysage de la mode ces 30 dernières années en accélérant le renouvellement de leurs modèles. De 4 collections annuelles, elles passent à une dizaine, puis à une cinquantaine. Aujourd’hui, Zara met 500 nouveaux modèles en rayon chaque jour. Mais cette cadence effrénée est déjà en perte de vitesse.
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De la fast fashion à l’ultra fast fashion
Depuis une dizaine d’années, cette approche est dépassée par l’entrée sur le marché du géant SHEIN. Si Zara était le symbole de la fast fashion, la plateforme chinoise est celui del’ultra fast fashion. 8 000 nouveaux modèles paraissent chaque jour à des prix dérisoires : chaque pièce coûte rarement plus de 10 euros, avec de nombreuses promotions disponibles et une livraison gratuite.
Le numérique est en effet indissociable du modèle économique de la société chinoise, une telle offre ne pouvant être supportée par les contraintes physiques de la mise en rayon. L’ensemble des commandes effectuées sur le site arrive donc tout droit des entrepôts de l’enseigne, situés à l’autre bout du monde.
Le coût environnemental de ce nouveau mode de consommation est astronomique. En plus de l’empreinte carbone de leur transport, les vêtements produits sont de piètre qualité et sont rapidement jetés et remplacés. Pire, leur composition pourrait même s’avérer dangereuse pour la santé de celles et ceux qui les portent.
Un bilan humain catastrophique
L’organisme de surveillance suisse Public Eye a publié en novembre 2021 un rapport détaillant la chaîne d’approvisionnement de SHEIN, jusqu’alors très opaque. Il décrit des ouvriers et des ouvrières originaires des régions les plus pauvres du pays travaillant dans des « ateliers informels sans issues de secours et aux fenêtres condamnées », travaillant « 11 à 12 heures par jour, avec un seul jour de congé par mois – soit plus de 75 heures par semaine ». Ces conditions de travail leur permettent de toucher 10 000 yuans par mois, soit 1 300 euros.
La société est aussi accusée de participer au travail forcé des Ouïghours, une minorité musulmane de l’ouest de la Chine persécutée par le gouvernement. Alors que trois sénateurs américains l’avaient interpellé sur le sujet en février 2023, elle avait répondu avoir « une tolérance zéro envers le travail forcé ».
Une loi française en suspens
En réaction à ce phénomène, une proposition de loi « visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile » a été adoptée par l’Assemblée nationale en mars 2024. L’examen du texte au Sénat a longtemps été repoussé jusqu’à ce que la date du 2 juin soit finalement retenue.
Pour aller plus loin : « La mode éthique dans nos dressings”
Le député européen Pascal Canfin (Renaissance) déplore la lenteur du processus et rappelle dans une tribune aux Échos que « cette loi ferait de la Francele premier pays à légiférer pour limiter les dérives de l’ultra fast fashion ».
La proposition de loi contient notamment l’instauration d’un "malus progressif" afin que "le prix du produit reflète davantage la réalité de son impact environnemental« , selon sa rapporteuse, la députée Horizons Anne-Cécile Violland. Elle prévoit également d’interdire aux marques de fast fashion et d’ultra fast fashion de produire de la publicité « directe ou indirecte, traditionnelle ou sur les réseaux sociaux, des marques comme des influenceurs ».
La publicité est en effet à l’origine du succès de cette industrie, qui vise en particulier des consommatrices très jeunes, séduites par le shopping en ligne malgré un pouvoir d’achat limité. Le malus risque toutefois d’être revu à la baisse par les sénateurs.
Source: www.linfodurable.fr