Quel est l’impact de l’agriculture biologique sur l’environnement ?
En France, environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont dues à l’agriculture. Un chiffre qui serait même sous-estimé, puisqu’il ne prend pas en compte certains éléments en amont et en aval de la production, comme la construction de machines ou le transport des produits. Pour réduire les émissions du secteur agricole, la stratégie nationale bas-carbone préconise de développer l’agroécologie, dont l’agriculture biologique. Pourtant, l’impact de cette dernière sur l’environnement ne serait pas si différent de celui de l’agriculture conventionnelle.
Des rendements moins importants
Quand on compare leur empreinte écologique, le principal inconvénient du bio par rapport au conventionnel, c’est sa moindre productivité. « Les rendements inférieurs obtenus en régie biologique font reposer le fardeau écologique d’une ferme sur une plus petite quantité d’aliments », explique dans un article pour le média The Conversation Essi Parent, ingénieur écologue et professeur en génie agroenvironnemental à l’université de Laval. « Chaque aliment certifié biologique demandera ainsi à la nature davantage de territoire, contribuera davantage à la pollution de l’eau et produira un peu plus de gaz à effet de serre ». C’est particulièrement vrai pour les productions animales : l’allongement de la durée de vie des animaux est bénéfique pour le bien-être animal, mais moins pour l’environnement.
Selon une étude dirigée par Valentin Bellassen, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’empreinte carbone des productions végétales bio serait, elle, inférieure d’environ 10 % à celle des productions conventionnelles. Des résultats qui restent toutefois à confirmer.
Pour calculer l’impact de l’agriculture biologique, la méthode privilégiée est la méthode ACV (analyse de cycle de vie). Méthode de référence à l’échelle internationale, elle recense les impacts environnementaux tout au long de la vie du produit, grâce à une approche multi-critères et multi-étapes applicable à l’ensemble des secteurs économiques. Et selon une étude de 2015 analysant 34 études ACV, si l’agriculture biologique émet moins de GES par hectare de production que l’agriculture conventionnelle, elle en émet autant, voire davantage, par unité de produit.
Mais ces résultats sont à prendre avec des pincettes. D’après une étude menée conjointement par l’INRAE, l’université d’Aarhus au Danemark et l’université de technologie Chalmors en Suède, la méthode ACV a tendance à « favoriser les systèmes agricoles intensifs utilisant beaucoup d’intrants et à donner une image inexacte des systèmes agroécologiques moins intensifs tels que l’agriculture biologique ». Les chercheurs expliquent cela par le fait que l’ACV ne prend en compte ni les autres services écosystémiques de l’agroécologie, ni les aspects qu’elle vise à améliorer comme la santé des sols ou la biodiversité.
Un impact positif sur l’eau, les sols et la biodiversité
Car si son impact sur l’environnement n’est pas significativement différent de l’agriculture conventionnelle, l’agriculture biologique présente malgré tout de nombreux avantages. "En termes de consommation d’eau, […] les produits certifiés sont plus sobres, d’environ 30 % par hectare et 15 % par tonne", détaille Valentin Bellassen dans un article publié par The Conversation. « Pour ce qui est de la pollution de l’eau aux nitrates, l’agriculture biologique emploie de 30 % à 60 % de moins d’azote par hectare », poursuit-il avant de préciser que la différence n’est pas significative quand elle est ramenée à la tonne de produit.
Mais l’emploi d’engrais azotés organiques a l’avantage d’émettre moins de CO2 que les engrais de synthèse. Et le bio joue aussi un rôle dans la séquestration du carbone, grâce à des rotations de culture longues limitant le nombre de labours, ou l’élevage en plein air sur des prairies permanentes qui fixent le carbone dans le sol.
L’agriculture biologique est également favorable à la fertilité et à la vie des sols, notamment grâce à l’interdiction des pesticides. En termes de biodiversité, « les surfaces cultivées en agriculture biologique présentent des niveaux d’abondance et de richesse spécifique de 20 % à 50 % supérieurs à leurs équivalents conventionnels » indique Valentin Bellassen. Mais, selon lui, l’impact global du bio sur la biodiversité est une question complexe, « d’abord du fait des moindres rendements, qui peuvent être à l’origine de déforestation sur place ou à l’étranger ». Et aussi, ajoute-t-il, parce qu’il n’y a pas « d’indicateur synthétique et consensuel de la biodiversité ».
Pour aller plus loin : « Tout savoir sur l'alimentation bio »
Pour le chercheur, la comparaison entre agriculture biologique et conventionnelle ne devrait pas être au centre du débat puisque c’est avant tout la réduction de la production de viande qui permettra d’atteindre les objectifs climatiques européens et français. Et surtout, conclut-il, la meilleure performance économique et sociale du bio pourrait être sa principale contribution à la préservation de l’environnement, car elle aiderait « les producteurs et les consommateurs à réduire la production et consommation de viande en compensant la baisse des quantités par une augmentation de la qualité des produits, qui satisfera les consommateurs, et une augmentation du prix, qui satisfera les producteurs ».
Source: www.linfodurable.fr