Quel avenir pour les tournées d’envergure, ciblées pour leur impact environnemental ?
Entre le transport du matériel et des équipes, l'hébergement ou encore la restauration, les tournées géantes, aux scénographies spectaculaires, riment avec lourd bilan carbone, auquel s’ajoute celui du déplacement massif des spectateurs.
Pour « sortir de la simple condamnation d’un modèle », le syndicat Ekhoscènes a présenté, au Printemps de Bourges, les contours de son « Projet M.A.T.R.I.C.E », fruit d’un appel à projets de l’État pour soutenir les "alternatives vertes". Piloté sur trois ans avec cinq structures adhérentes, dont la filiale française du géant Live Nation, il veut remonter « à la source des spectacles » en impliquant les producteurs.
Une expérimentation sur 4 tournées
"En contact" avec les artistes, "ce sont eux qui déterminent le modèle de la tournée, qui vont la dimensionner, déterminer les lieux, les festivals, l'itinéraire", souligne Malika Séguineau, directrice générale d'Ekhoscènes. Après une phase de définition du périmètre et de diagnostic "des freins", une expérimentation est prévue sur quatre tournées d’envergure différente.
"Est-on capable de travailler autrement, tout en maintenant une diversité de formats ? Le but n’est pas de revenir à un écosystème qui serait en 100 % acoustique ou qui ne tourne plus », assure Hermine Pélissié du Rausas, directrice de la transition écologique à Ekhoscènes.
La France a accueilli en 2023 près de 37 500 concerts pour « un montant de billetterie supérieur à 1,55 milliard d’euros », a rappelé le syndicat, qui souhaite bâtir « un référentiel ».
Ce projet s'appuie sur une enveloppe jusqu'à1,15 million d'euros, provenant de l’État et du Centre national de la musique, complétée par de l’auto-financement. D’autres initiatives existent : elles se concentrent davantage sur un calcul de l’empreinte carbone, comme le Fairly score ou le « concert-score » de l’Aéronef, une salle lilloise.
Difficile de convaincre les artistes
Avec les artistes, "c'est un peu périlleux de brandir la conscience écologique« , estime toutefois Simon Nodet, directeur de W Spectacle, 1.500 concerts annuels (Solann, Malik Djoudi). « Quand on est en phase de séduction d’un artiste qu’on veut signer (…) c’est très, très rare que l’artiste, de façon proactive, mette ça en exergue », observe-t-il, déplorant dans le milieu « le concours de celui qui a la plus grosse scénographie ».
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Les contre-exemples sont rares : en 2019, Coldplay avait annulé la tournée de son album « Everyday Life », faute de pouvoir réduire son empreinte carbone… mais le groupe britannique de Chris Martin a depuis repris la route des stades.
En France, Shaka Ponk s'est désintégré fin novembre, par convictions écologiques : « C’est compliqué de dire aux gens de respecter la planète, quand toi-même, tu as une activité professionnelle qui est polluante », avait confié à l’AFP la chanteuse du groupe, Samaha Sam.
À Bourges, le festival propose des concerts acoustiques non amplifiés, à la lueur des bougies. Les artistes Rover et Emily Loizeau, sensibilisés à ces enjeux, y ont été programmés. Mais « il nous manque l’artiste cool de la nouvelle génération, qui a du succès, du rayonnement, de l’influence, et saura définitivement fédérer. Il nous manque encore ce déclic et je pense qu’on n’est pas loin », espère Simon Nodet.
Aux yeux du producteur, il faut "essayer d'accepter une certaine forme de décroissance dans les moyens », sans l’impératif d' »amener 15 armoires électriques en plus pour faire tourner la création ». À ce stade, le vent souffle dans la direction opposée : la superstar américaine Katy Perry a effectué lundi un très court vol spatial à bord d’une fusée du milliardaire Jeff Bezos, un voyage critiqué pour sa pollution. Elle en a profité pour faire, à bord, la promotion de sa prochaine tournée, qui démarrera au Mexique.
Avec AFP.
Source: www.linfodurable.fr