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Une exception justifiée par “l’intérêt national”
Au cœur de la métropole toulousaine, le site Jean-Luc Lagardère, ancien bastion de l’A380, se prépare à une transformation majeure. Pour accompagner la montée en cadence des programmes A320neo et A350, Airbus a obtenu l’autorisation d’étendre ses infrastructures sur 18 hectares supplémentaires. Une opération rendue possible par une dérogation à la loi Climat et Résilience, qui interdit en principe toute artificialisation nouvelle de sols à partir de 2030.
Cette tolérance administrative découle du classement du projet comme “d’intérêt national majeur” (PIN). Selon la préfecture et la Direction régionale de l’environnement (DREAL Occitanie), l’expansion répond à un objectif stratégique : “préserver la souveraineté industrielle et l’emploi dans la filière aéronautique française”. La Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe), chargée d’évaluer les impacts, a validé cette orientation dans son avis du 20 mai 2025, tout en soulignant “la nécessité d’un encadrement strict des mesures compensatoires”.
Des surfaces colossales et une empreinte mesurable
Le projet d’Airbus s’inscrit dans le Schéma directeur industriel (SDI) du constructeur, un plan de modernisation à long terme de son site toulousain. Il prévoit la création de 52 743 m² d’emprise au sol et 69 049 m² de planchers, soit une imperméabilisation nette de 172 561 m². Ces nouveaux espaces accueilleront un deuxième centre de livraisons, un hall de peinture et plusieurs hangars logistiques.
Mais ces aménagements auront un coût environnemental. D’après la MRAe, le trafic logistique local généré par l’agrandissement devrait passer de 64,7 à 199,4 tonnes de CO₂ équivalent, tandis que les flux européens associés bondiraient de 5 906 à 23 187 tonnes. Le site de Blagnac, déjà très urbanisé, verra aussi augmenter la pression sur ses réseaux hydrauliques et ses zones naturelles résiduelles.
Les conditions de la dérogation : compensation et limitation des impacts
Pour obtenir la dérogation, Airbus a dû présenter un dossier complet d’évaluation environnementale et de compensation. Trois leviers ont été retenus :
Réutilisation des infrastructures existantes : la reconversion d’anciens bâtiments industriels permet d’éviter l’ouverture de nouveaux sites.
Création d’ouvrages de régulation hydraulique : trois bassins de rétention limiteront le ruissellement et les risques d’inondation.
Mesures de compensation écologique : plantations d’espèces locales, aménagement d’habitats pour la faune et suivi annuel de la biodiversité.
La MRAe précise dans son rapport que “la création de nouvelles infrastructures tout en valorisant les installations existantes permet d’éviter l’imperméabilisation d’environ 160 hectares supplémentaires”. Airbus s’est également engagé à renforcer la perméabilité de certaines zones de circulation et à végétaliser les abords de ses bâtiments.
Malgré ces efforts, les associations environnementales locales, dont France Nature Environnement Midi-Pyrénées, dénoncent une “logique d’exception permanente” au principe de ZAN. Elles rappellent que “chaque dérogation crée un précédent, affaiblissant la crédibilité de la politique nationale de sobriété foncière”.
Entre impératifs économiques et urgence climatique
Le dilemme est clair : comment soutenir une filière industrielle vitalemalgré les réglementations climatiques ? Airbus, principal employeur de la région toulousaine avec près de 28 000 salariés directs, reste un pilier de l’économie locale. Sa modernisation vise à renforcer la production d’avions plus sobres, à améliorer l’efficacité énergétique et à préparer le futur avion à hydrogène ZEROe.
Pour les autorités, l’extension du site constitue un “mal nécessaire”. Elle s’inscrit dans une logique de transition progressive : moderniser pour mieux produire, mais en réduisant à terme l’empreinte environnementale globale. La DREAL souligne toutefois que le projet devra “faire l’objet d’un suivi pluriannuel de ses impacts sur les sols, l’eau et la biodiversité”.
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Source: www.greenetvert.fr