La question des PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) a fait l’objet d’une rencontre organisée le 24 septembre 2025 au Parlement européen par la députée suédoise Helen Fritzon et ses collègues sociaux-démocrates, réunissant également des ONG et journalistes. Objectif : mettre en lumière l’expérience de la petite ville suédoise de Kallinge, confrontée depuis dix ans à une contamination importante de son eau potable après l’usage de mousses anti-incendie par l’armée suédoise.
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Parlementaires européens et ONG pointent du doigt le secteur agricole
Derrière le ton consensuel des échanges, et malgré l’exemple de base qui concerne les mousses anti-incendies en Suède, le thème de cette rencontre est vite devenu celui des méthodes de l’agriculture en Europe et de l’utilisation des pesticides.
Une mobilisation institutionnelle affichée
En ouverture, l’eurodéputée suédoise Helen Fritzon a insisté sur la nécessité d’une interdiction complète des PFAS, rappelant que « l’eau propre est un droit, pas un privilège ». Elle a mis en avant le cas suédois de Kallinge, où la contamination de l’eau potable par une base militaire a bouleversé la vie de centaines de familles.
La Commission européenne, par la voix de Veronica Manfredi, directrice à la DG Environnement, a détaillé les mesures en cours : obligation pour les États membres de déclarer les niveaux de PFAS dans l’eau potable dès janvier prochain, surveillance des eaux usées à partir de 2027, et préparation d’une restriction universelle d’ici 2026.
Les services de l’eau en première ligne
Le président d’EurEau, Pär Dalheim, a rappelé que la facture pour les services de l’eau pourrait atteindre 18 milliards d’euros par an pendant huit ans, sans compter les coûts liés à l’assainissement. « Même avec des limites sévères dans l’eau potable, on ne résout pas l’exposition globale », a-t-il averti, plaidant pour une action « à la source » et pour l’application stricte du principe pollueur-payeur.
Martin Johansson et Herman Åselius, de l’association PFAS de Kallinge, abondent en ce sens.
Surveillance renforcée et débats réglementaires
Sans que l’Union européenne ait encore tranché sur un encadrement global, plusieurs évolutions techniques sont déjà programmées :
• Mesure obligatoire : dès 2026, les États devront surveiller certaines familles de PFAS dans l’eau potable et appliquer des méthodes communes d’analyse.
• Limites sanitaires : l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a recommandé des seuils d’exposition très bas, repris partiellement dans la directive sur l’eau potable.
• Responsabilité financière : la nouvelle directive sur les eaux urbaines résiduaires prévoit que certains secteurs (cosmétiques, pharmaceutiques) contribuent au coût de traitement ; d’autres filières observent avec attention ce précédent.
• Projet de restriction large : l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) examine depuis 2023 une proposition visant à restreindre un grand nombre de PFAS ; un avis n’est attendu qu’en 2026.
Les participants à la réunion du 24 appellent à prendre, en ce sens, les mesures les plus restrictives.
Entre inquiétudes sanitaires et défis économiques
Les témoignages entendus à Bruxelles rappellent cependant les conséquences économiques qui découleraient de trop de précipitation :
• Les gestionnaires d’eau potable évoquent des coûts élevés pour filtrer ces molécules persistantes.
• Des industriels craignent une extension du principe pollueur-payeur à d’autres produits contenant des PFAS, avec un impact financier important.
• Plusieurs secteurs soulignent que les substituts techniques ne sont pas toujours disponibles ou abordables.
L’agriculture mise en accusation
Salomé Roynel, de PAN Europe, pointe du doigt l’utilisation de plus de trente substances pesticides conçues avec des PFAS, responsables selon elle d’une contamination massive et diffuse par l’acide trifluoroacétique (TFA).« Les pesticides PFAS ne sont pas essentiels », a-t-elle affirmé, ajoutant que des alternatives existaient déjà et que « remplacer un PFAS par un autre n’a aucun sens ».
Cette position, jugée protectrice par ses soutiens, risque d’être perçue comme une attaque frontale contre le monde agricole. D’autant plus qu’elle a souligné que des résidus avaient été retrouvés dans le vin, dans l’eau minérale et même dans des produits destinés aux nourrissons.
Des élus européens déterminés à imposer des règles fermes à l’ensemble des États membres
La députée italienne Cristina Guarda, originaire d’une région frappée par la pollution industrielle, a assumé une ligne dure : interdiction des PFAS dans toutes les productions, limites sanitaires strictes pour l’eau potable, et dénonciation des conflits d’intérêts dans le débat. «Les enfants ne sont pas en sécurité avec les seuils actuels », a-t-elle martelé, soutenue par son collègue maltais Thomas Bajada.
Un message officiel positif, mais des lignes de fracture
En clôture, les organisateurs ont salué une rencontre « inspirante et constructive », marquée par une coopération entre institutions, ONG et experts. Pourtant, derrière le consensus affiché, les interventions sur l’agriculture et l’appel à une interdiction totale laissent présager des débats houleux dans les mois à venir.
Car si la conférence a montré des parlementaires européens déterminés à « tourner la page des polluants éternels » et qui en appellent à renforcer drastiquement le principe de précaution, elle a aussi révélé des positions claires qui ne manqueront pas de susciter la colère des filières concernées :l’agriculture, en particulier, est désormais l’objet d’injonction des intervenants, parlementaires européen et ONG, à changer drastiquement et à apprendre rapidement à se passer des pesticides aux PFAS.
Rendez-vous en octobre 2025 pour la deuxième partie de cette conférence, qui doit proposer des solutions concrètes.
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Source: www.greenetvert.fr