Moto: sur les circuits, les femmes cherchent encore leur place
Elles n'ont jamais été autant à pratiquer la moto, pourtant, peu d'entre elles jouent des coudes sur les circuits. Dans un sport en théorie mixte mais quasi-exclusivement masculin, les femmes tentent de s'affirmer, soutenues par des initiatives visant à briser le plafond de verre entre les pilotes et leur rêve.
« Je pensais à l’époque que j’allais ouvrir la voie à d’autres femmes »: aujourd’hui âgée de 74 ans, l’Américaine Gina Bovaird reste à ce jour la seule femme à avoir pris le départ d’un Grand Prix en catégorie reine – en 1982 lors du GP de France en 500cc, l’ancêtre du MotoGP.
En 2024, le pinacle de la discipline, les Grands Prix de vitesse dont la saison reprend ce week-end au Qatar, ne comptera aucune femme parmi les pilotes, que cela soit en MotoGP, en Moto2 ou en Moto3. L'Espagnole Maria Herrera sera la seule femme à concourir en championnat du monde de MotoE (électrique).
Pour Ana Carrasco, pilote en Moto3 jusqu'à l'an dernier, cette quasi-absence s'explique surtout par la faible présence de filles à la base: "Arriver dans l'élite reste difficile pour tout le monde, mais s'il n'y a pas beaucoup de filles au départ, c'est difficile" d'en voir au plus haut niveau.
L'Espagnole reste à ce jour la seule femme à avoir remporté un titre mondial de motocyclisme – en 2018 en Supersport 300, un championnat utilisant des motos proches de la série.
– Championnat du monde 100% féminin –
Le motocross – qui dispose déjà son propre championnat féminin – fait actuellement figure de modèle puisque 10% des licenciés étaient des femmes en 2023 quand, sur les circuits, elles n'étaient que 1,5% l'an dernier, selon les chiffres de la Fédération internationale de motocyclisme (FIM).
"Il y a pas d'obstacles ni de raisons" qui pourraient justifier ce faible taux – si ce n'est que le milieu reste "encore très masculin", rappelle Janika Judeika, directrice de la Commission femmes à la FIM.
Pour accroître leur visibilité – et leurs chances de construire une carrière professionnelle viable, la FIM et le promoteur du championnat de MotoGP lancent cette année le premier championnat féminin de vitesse moto. En lice: 24 pilotes professionnelles – dont Ana Carrasco – qui se disputeront le titre de championne du monde.
"L'idée est d'offrir aux femmes des opportunités pour qu'elles puissent grandir pour peut-être un jour aller en Moto3 ou Moto2", défend aussi la directrice de la commission, mise en place en 2006.
Parfois taxé de fausse bonne idée, le principe d'un championnat 100% féminin n'a jamais fait totalement l'unanimité dans le milieu des sports mécaniques, où les femmes peuvent généralement se confronter aux hommes contrairement à d'autres sports.
En monoplace, l'Allemande Sophia Floersch, pilote de Formule 3, s'affiche comme l'une des principales dissidentes sur le sujet.
"A l'université, femmes et hommes étudient ensemble car c'est normal. Dans notre sport, cela devrait aussi être le cas… pourquoi faire une série uniquement pour les femmes ?", s'interrogeait-elle l'an dernier à propos de la F1 Academy, la dernière née des compétitions monoplaces dédiées aux femmes.
– "Potentiels désavantages mais…" –
Sur le plan médical, "les réglementations ne font aucune différence entre hommes et femmes", explique David MacManus, médecin en chef à la FIM.
"C'est un fait: les femmes ne sont pas aussi fortes physiquement que les hommes", souligne-t-il aussi. "Les hommes, en raison de leur patrimoine génétique ont tendance à être plus forts et à avoir une plus grande endurance physique. Ainsi, en compétition, les femmes sont potentiellement désavantagées, mais certaines d'entre elles participent à divers championnats sans problème", rappelle-t-il aussi.
Un point de vue que ne partage pas entièrement Pierre Ortega, président du Comité Médical à la FFM, la Fédération française de motocyclisme: "là où ça se gâte, c'est quand l'on passe en catégorie supérieure avec de plus grosses cylindrées (…) ça demande davantage de testostérone". La moto est donc un sport mixte mais "jusqu'à un certain niveau de pratique", pour le Français.
Si la question n'a jamais été tranchée par la science, Gina Bovaird explique à l'AFP avoir été confrontée à ce manque de puissance: "je n'avais pas la force de retourner la moto dans une chicane serrée" – se souvient-elle, "mais j'étais plus légère que la plupart des autres pilotes, ce qui m'a donné un avantage".
Source: www.linfodurable.fr