Les Scouts et Guides de France : comment cette association réussit à accélérer sa transition écologique
Dans une enquête, publiée en novembre dernier, la Fondation Terre Solidaire révèle que 74 % des dirigeants d’associations ont pris la mesure des enjeux écologiques et en tiennent compte, « au moins ponctuellement » dans leurs activités.
Parmi les acteurs associatifs français qui se sont saisis du défi de latransition écologique, les Scouts et Guides font figure de pionnier, notamment à travers la mise en place de résolutions majeures.
Retour sur leurs principales actions et leur méthode pour réussir à mobiliser et fédérer avec Coline Garnier, déléguée nationale international et conversion écologique, et Robin Humbert, chargé de projet nature de l’association.
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Quelle place occupe la transition écologique au sein de votre organisation ?
Coline Garnier, déléguée nationale international et conversion écologique au sein des Scouts et Guides de France.© DR
Coline Garnier : L’écologie est au coeur de l’ADN des Scouts et Guides de France depuis sa création. Cet enjeu a néanmoins pris une place encore plus importante en 2009, avec les premières grandes résolutions sur le sujet et un premier bilan carbone, puis en 2015, avec l’organisation de la COP21, à Paris. L’association s’est notamment beaucoup impliquée dans la COY21, conférence de la jeunesse.
En 2019, nous avons également mené une grande consultation auprès de nos adhérents et adhérentes qui a conduit au vote de la résolution "Tout est lié« . L’idée était de s’inscrire dans une démarche de conversion écologique, comme l’appelle le pape dans son encyclique Laudato si’, d’abord en relevant le défi éducatif, mais en nous engageant également à aller encore plus loin, en menant des actions concrètes sur l’alimentation, les transports…
Nous encourageons par exemple autant que possible l’utilisation des mobilités douces pour les projets que nous déployons en France mais aussi à l’étranger. Nous organisons également des camps low-tech et zéro-déchet. Il y a aussi tout un travail sur le vivre ensemble et l’inter-religieux, afin de favoriser les rencontres avec d’autres communautés pour voir ce qui nous rassemble et ce qui nous différencie.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières pour mener ces différentes initiatives ?
Coline Garnier : En tant qu’association de scoutisme, nous avons la chance d’avoir un public déjà converti sur les enjeux environnementaux. Nous avons toutefois pu avoir quelques débats, par exemple sur le choix de parler de conversion écologique plutôt que de transition écologique.
Certains groupes, issus de territoires ruraux, ont également pu se sentir en décalage sur la mise en place de certaines actions par rapport à ceux venant de milieux urbains. Nous avons alors essayé d’intégrer leurs retours afin d’éviter de tomber dans une démarche culpabilisatrice de la conversion écologique.
Nous cherchons avant tout à promouvoir une écologie positive, juste et ludique, fidèle à l’ADN de notre mouvement d’éducation populaire."
Vous avez organisé les 29 et 30 mars dernier des Assises afin d’adapter vos activités au changement climatique mais aussi de "permettre une montée en compétences des participantes et participants sur les sujets climatiques et environnementaux". Pourquoi ce choix ?
Robin Humbert, chargé de projet nature au sein des Scouts et Guides de France.© DR
Robin Humbert : Jusqu’à présent, l’association a beaucoup travaillé sur des mesures d’atténuation, mais s’est un peu moins attardée sur les questions d’adaptation, que ce soit dans les résolutions adoptées en assemblée générale ou dans notre plan d’orientation, qui est notre boussole jusqu’à 2028.
Nous avons alors voulu organiser des Assises, sur le modèle des Conventions citoyennes pour le climat, afin de mettre ce sujet à notre agenda. Nous estimons qu’il s’agit d’un enjeu réel et urgent à court, moyen et long terme. Même si nous arrivons à limiter l’ampleur du changement climatique, il va aussi falloir agir sur les conséquences, y compris dans les prochaines années.
Cela s’inscrit aussi dans une grande campagne de mobilisation ("Clameurs!"), démarrée en 2024, qui porte sur la thématique de lajustice environnementale et de la justice sociale.
L’idée est de faire en sorte que tous nos adhérents et adhérentes tirés au sort, jeunes comme adultes, puissent travailler de concert et sur un même niveau d’égalité.
Après ce premier week-end de réflexion en mars, un deuxième aura lieu les 8 et 11 mai au château du Breuil (Saône-et-Loire), avec un focus sur les leviers d’actions à mettre en place pour s'adapter au changement climatique.
Quelles grandes thématiques sont abordées lors de ces Assises ?
Robin Humbert : Ces Assises doivent permettre de travailler sur des recommandations autour des activités que l’on mène en interne, mais aussi en externe au travers d’actions citoyennes que nous réalisons avec d’autres structures associatives et publiques tout au long de l’année.
L’objectif est aussi de faire remonter certaines expériences de terrain. Lors de ce premier week-end, des jeunes nous ont par exemple raconté : "on a eu des tas de malaises lors d’un rassemblement", "notre cabane a été emportée par la rivière cet hiver", "nous ce sont les chenilles processionnaires qui nous ont délogées de la forêt."
Un autre volet porte ainsi sur la sensibilisation des jeunes sur les questions d’adaptation ainsi que la formation de nos bénévoles. Un dernier est également consacré à la vie de l’association en général, c’est-à-dire la gouvernance, les investissements à faire sur le long-terme…
Ce travail collectif donnera lieu à une restitution publique le 30 octobre prochain au Conseil économique social et environnemental (Cese), à Paris.
Les Scouts et Guides de France ont organisé en mars des Assises sur l’adaptation au changement climatique.© Maël Dupin
En tant qu’association, quel conseil donneriez-vous à d’autres acteurs associatifs qui veulent agir mais qui peinent encore à mettre en place des actions ?
Coline Garnier : La première chose c’est de faire face au défi écologique et d’en parler, de montrer qu’il y a encore des endroits où l’on peut être utile, avoir un impact et faire bouger les choses.
Robin Humbert : Au sein de l’association, nous travaillons également beaucoup sur les imaginaires, la construction de récits collectifs. Je pense que cela joue énormément sur l’enthousiasme et l’espérance de nos adhérents/adhérentes. Il y a énormément d’exemples de bonnes pratiques sur tous les territoires.
Coline Garnier : Notre force aussi, c’est que nous ne sommes pas tout seuls dans ces efforts-là. Nous faisons partie d’un mouvement qui rassemble 67 millions d’adhérents dans le monde, et qui a voté comme priorité la question de la paix et de l’environnement.
C’est inspirant de se dire que des associations sœurs ont la même méthode que nous, et luttent contre les changements climatiques. Ce collectif, et cette dimension globale, nous permettent d’avoir cet optimisme, cette envie d’agir en France et au-delà.
Mila Beucherie, cheftaine au sein des Scouts et Guides de France.©DR
Témoignage. "C’est grâce aux Scouts et Guides de France que j’ai choisi de me tourner vers un métier en lien avec la transition écologique"
Etudiante en master Transition écologique, économique et sociale, à Paris 8 Saint-Denis, Mila Beucherie, 23 ans, nous raconte son expérience en tant que cheftaine au sein de Scouts et Guides de France.
"En tant que cheftaine, je suis chargée d’accompagner les pionniers-caravelles, c’est-à-dire les adolescents et adolescentes qui ont entre 14 et 17 ans, lors de week-ends et camps d’été. Au cours de ces rassemblements, nous essayons de favoriser autant que possible lecovoiturage. Nous cherchons également des lieux accessibles en transports en commun. Nous essayons de faire nos courses au marché, d’acheter des fruits de saison. Pour les goûters, nous allons cuisiner un gâteau maison au lieu d’acheter un quatre-quarts emballé dans du plastique.
A mon échelle, j’essaye aussi de sensibiliser les jeunes à travers des projets concrets. Début mars, nous avons par exemple participé à la collecte alimentaire nationale des Restos du Coeur. Au camp de cet été, qui a lieu en juillet, nous allons également participer à un projet en Camargue sur un site protégé Natura 2000, où il y a des élevages de taureaux. Le but sera de sensibiliser les jeunes à ce qu’est l’écosystème des marais salants, de rencontrer un ou une animatrice nature pour mieux comprendre les problèmes environnementaux qui impactent ces milieux, et de participer à des actions d’entretien des berges.
Le principal challenge quand on met en place ce type d’initiatives, c’est la volonté des adolescents et adolescentes. Ce n’est pas toujours évident de les embarquer dans l’action. Au camp d’été de l’année dernière, j’ai par exemple dû insister sur le tri des déchets et même faire des ateliers car certains et certaines n’avaient pas le réflexe des bonnes poubelles. J’espère que ce travail de sensibilisation a eu un impact sur eux. De mon côté, c’est grâce aux Scouts et Guides de France que j’ai choisi de me tourner vers un métier en lien avec la transition écologique. »
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Source: www.linfodurable.fr