La fin des politiques ESG aux États-Unis : un mauvais signal ?
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Le gouvernement fédéral américain stoppe ses politiques de diversité et sort de l’Accord de Paris
Dès sa réinvestiture à la Maison Blanche, Donald Trump a réitéré sa volonté de réduire au minimum les initiatives fédérales en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI). Apposant sa signature sur plusieurs décrets, ce ne sont pas moins de 80 mesures, dont celles destinées à protéger les minorités raciales, les communautés LGBTQ+ et les femmes, qui ont ainsi été rayées d’un trait de stylo feutre. Le gouvernement fédéral, sous prétexte de rationalisation budgétaire et de respect des libertés individuelles, a ordonné le 24 janvier la fermeture des bureaux et services consacrés à ces politiques et le licenciement des fonctionnaires qui y travaillaient, comme l’indique une note du ministère de la fonction publique.
Pour continuer à bénéficier de subventions fédérales, les universités américaines ont été contraintes de mettre en pause plusieurs projets de recherche, d’annuler des conférences et de fermer certains services en réaction à cette série de décrets du président Trump, interdisant les programmes de « diversité, équité et inclusion » (DEI) au sein de l’administration fédérale. Suivant l’exemple de plusieurs agences gouvernementales, les deux plus grands établissements culturels du pays ont également annoncé cette semaine la fin de leur programme DEI.
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Parallèlement, la sortie des États-Unis de l’Accord de Parissignée le 20 janvier par Donald Trump marque un signal clair de désengagement envers les questions environnementales mondiales. Le Parlement européen a déclaré dans un communiqué du 5 février que le Conseil et la Commission européenne réagiront à cette annonce lors de la session plénière de février. Trump a justifié cette décision par la priorité à l’économie nationale et à la souveraineté énergétique, symbolisée par le slogan « Drill, Baby. Drill », promouvant l’exploitation massive des énergies fossiles. Cette posture, couplée au retrait des fonds destinés aux projets internationaux de développement durable et à la nomination de proches des lobbys industriels à des postes clés, renforce l’idée d’un véritable retour en arrière ou « backlash ». Sans oublier les évolutions inquiétantes observées dans le secteur financier américain, avec le départ d’alliances climatiques, telles que la Net Zero Asset Managers Initiative de la part de plusieurs grandes banques américaines ainsi que de BlackRock.
Les entreprises américaines lui emboîtent le pas en supprimant leurs politiques de diversité et d’inclusion
Dans ce contexte politique, de grandes entreprises américaines ont progressivement révisé ou supprimé leurs programmes de DEI. Par exemple, Harley-Davidson a supprimé récemment ses quotas de recrutement, censés favoriser les minorités de genre et ethniques, après avoir essuyé une vaste campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux. Ces attaques sur les réseaux sociaux a suffi à convaincre les entreprises comme Ford, Polaris ou encore Indian Motorcycle à faire marche arrière sur leur politique de diversité. La porte-parole de l'alcoolier Jack Daniel's a annoncé que "le paysage juridique et externe a changé de manière spectaculaire" pour justifier l'arrêt de tous ses programmes de diversité et d'inclusion.
Sous la pression des conservateurs et face à un climat sociétal de plus en plus polarisé, même des poids lourds comme Amazon, Walmart et McDonald's ont réduit leurs politiques d'inclusion et de diversité, arguant opter pour des actions moins visibles et plus pragmatiques. Amazon a aussi adopté une stratégie plus discrète, prétendant rester engagé tout en réduisant les programmes jugés non performants. La société, qui se félicite pourtant d’avoir inscrit la DEI dans ses principes fondateurs, a récemment fait disparaître le mot "transgenre" et d’autres références à la diversité de ses informations sur les "politiques" de l’entreprise.
Pourtant, certaines multinationales comme Apple et Costco ont choisi de maintenir le cap. Apple, confronté à une pression croissante de certains actionnaires, a publiquement défendu ses programmes DEI. Le vote des actionnaires prévu en février prochain sera crucial pour évaluer si la firme pourra continuer à mener des politiques inclusives.
Dans la tech, le mouvement était déjà amorcé et ne fait que s’accélérer
Le secteur technologique, souvent présenté comme un modèle de progressisme, est particulièrement touché par ce recul. Microsoft, Google et Meta ont annoncé ces derniers mois une série de mesures visant à restructurer ou réduire leurs équipes DEI. Google a été le premier à donner le ton, en licenciant plusieurs membres de son équipe DEI fin 2023. Microsoft a suivi en 2024 en supprimant entièrement son équipe, prétextant des redondances organisationnelles.
Chez Meta, la situation est encore plus emblématique. L’entreprise, autrefois fer de lance des initiatives inclusives, a abandonné toute exigence de diversité dans ses processus de recrutement ou le choix de ses fournisseurs. Janelle Gale, vice-présidente des ressources humaines de Meta, a reconnu que "le paysage juridique et politique entourant les efforts DEI est en train de changer".
Cependant, certaines entreprises, notamment Apple, tentent de résister à cette vague. Le groupe affirme que les politiques inclusives sont nécessaires pour préserver son image et sa compétitivité internationale. Néanmoins, la pression des actionnaires et la crainte de poursuites juridiques pourraient remettre en cause cette posture.
Un risque de contagion mondiale ?
Les reculs sur les politiques ESG et DEI aux États-Unis représentent un mauvais signal pour l’avenir de la responsabilité sociétale des entreprises. Si certaines firmes européennes, comme Unilever, réduisent également leurs objectifs ESG, la question de la contagion devient pertinente. L’Europe, sous la pression de ses propres débats sociétaux, pourrait suivre la même voie, compromettant ainsi les avancées des dernières décennies. Pour éviter ce scénario, un dialogue international renforcé et un engagement renouvelé envers les valeurs ESG sont indispensables.
Source: www.linfodurable.fr