« La biodiversité n’est pas suffisamment appréhendée dans sa globalité par les entreprises »
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Ecofi cherche ainsi à promouvoir des responsabilités partagées dans la gestion des ressources, en réponse aux enjeux environnementaux, sociaux et financiers actuels. Quels constats vous ont incité à souhaiter mener des travaux de réflexions sur ce thème ?
Le thème de notre groupe de travail, les ressources essentielles, englobe tous les enjeux chers à Ecofi, tels que la transition juste ou les questions sociales. Des sujets qui raisonnent avec les valeurs sociales, solidaires, portées par notre groupe, le Crédit Coopératif. Ce thème correspond à une conviction forte chez Ecofi, la nécessité d’un lien entre l’ISR et la gestion responsable des ressources environnementales, sociales et financières. Cette transversalité nous est chère. Nous la mettons en œuvre dans nos processus d’investissement à travers notre méthodologie PRISME et dans notre politique d’engagement. Elle s’illustre aussi par notre approche thématique, qui couvre les défis liés à la santé, à l’éducation ou à l’eau.
Sur ces enjeux, quels doivent être selon vous les rôles respectifs des pouvoirs publics, des entreprises et des financeurs/investisseurs ?
Chacune des parties prenantes a un rôle clé à jouer. Surtout, chez Ecofi nous considérons qu’instaurer un dialogue avec chacune d’entre elles est primordial. Nous dialoguons avec les entreprises, mais aussi avec les décideurs politiques. En particulier, nous sommes convaincus que l’élaboration de cadres réglementaires est nécessaire et que leur application doit être rigoureuse, même si elle ne doit pas pour autant brider la croissance des entreprises. Nous avons ainsi signé récemment une pétition afin de réclamer plus d’exigence en matière de fiscalité des entreprises aux Etats-Unis.
Ces démarches ne sont cependant pas toujours couronnées de succès. Nous considérons ainsi comme un échec la publication, en février dernier, par la Commission européenne, de la directive Omnibus. Elle a, entre autres, réduit l’ambition de la directive sur le devoir de vigilance, qui ne concernera plus que les fournisseurs directs, ainsi que celle de la CSRD, puisque 80% des entreprises qui devaient être soumises à des obligations de transparence ne le seront plus.
Les pouvoirs publics doivent savoir créer des mécanismes incitatifs pour encourager les citoyens, les entreprises à adopter de bonnes pratiques. Une baisse des taxes sur les achats de produits de seconde main, par exemple, pourrait avoir pour effet de limiter la sur-consommation. Nous attendons des pouvoirs publics des initiatives concrètes et relativement simples à mettre en oeuvre.
Quel est selon vous le degré de maturité du monde économique concernant la protection de la biodiversité ?
Le degré de maturité de l’ensemble des acteurs, entreprises comme investisseurs, est comparable à celui observé sur le climat il y a une quinzaine d’années. Aujourd’hui objectivement, nous ne disposons pas de mesures fiables, de consensus sur les indicateurs. Aussi, la prise en compte de la biodiversité dans les processus d’investissement est encore peu structurée. Nous disposons cependant de beaucoup de recherche sur la perte de biodiversité, qui est un risque concret auquel les entreprises doivent faire face. Dans ce contexte, nos critères d’exclusion comprennent les sociétés impliquées dans une controverse grave dans ce domaine.
De même, nous avons décidé d’intégrer le thème de la biodiversité dans notre politique d’engagement depuis 2023 et nous contribuons aux campagnes de dialogues de l’initiative SPRING, dédiée à cette thématique au sein des PRI. L’enseignement que nous tirons de ces actions est que le sujet de la biodiversité est traité par les entreprises à travers des questions très spécifiques (les pesticides, la déforestation, la pollution plastique, l’huile de palme…), mais le plus souvent la biodiversité n’est pas appréhendée dans sa globalité. Nous regrettons aussi de constater que ce n’est pas encore un critère pris en compte dans la sélection de leurs fournisseurs. L’approche se limite à un objectif de conformité, de respect des réglementations. C’est ainsi par exemple que la majorité des sociétés concernées cherchent plutôt à limiter leurs impacts, mais n’ont pas pour autant engagé une démarche de restauration de la biodiversité.
Nous considérons ainsi comme un échec la publication, en février dernier, par la Commission européenne, de la directive Omnibus."
Avez-vous déjà identifié des bonnes pratiques parmi les sociétés que vous analysez ?
Nous avons défini certains secteurs pour lesquels les enjeux de biodiversité sont bien plus matériels que pour d’autres : ceux du textile, de l’énergie ou des mines par exemple. Pour ces secteurs, les critères liés à la biodiversité sont nettement surpondérés dans notre analyse ESG. Les pratiques des entreprises de ces secteurs se doivent d’être bien avancées pour qu’elles se voient attribuer une note ESG satisfaisante. Nous avons d’ailleurs développé nos propres indicateurs, car nous ne sommes pas convaincus par les indicateurs existants actuellement.
Parmi les entreprises que nous détenons en portefeuille, qui ont naturellement des politiques plus rigoureuses que la moyenne, nous apprécions particulièrement la stratégie d’Iberdrola, qui a bien intégré le sujet de la biodiversité dans son activité et dans sa gouvernance, avec une approche holistique. Son système de gestion des risques intègre cet enjeu parmi ses risques, avec une analyse de ses impacts, publiés par localisation, et de ses dépendances. L’énergéticien espagnol s’attache à orienter sa stratégie biodiversité sur ses plans de restauration ainsi que ses actions de correction, et non seulement sur la réduction de ses impacts négatifs. Il a également élaboré un indicateur biodiversité interne (le "Corporate Environmental Footprint"), considérant que l’indicateur habituel, le MSA (Mean Species Abundance), ne répondait pas à ses besoins.
En partenariat avec Ecofi
Source: www.linfodurable.fr