« La biodiversité est un enjeu local »
Alix Chosson, analyste ESG spécialiste du climat et de l’environnement chez Candriam plante le décor : "La moitié du PIB mondial dépend de la biodiversité, donc l’extinction massive de la biodiversité que nous sommes en train de connaître, aura un impact sur la résilience de nos économies ». Elle distingue d’un côté le risque physique, les conséquences de l’accélération de la dégradation des écosystèmes ou de la perturbation du cycle de l’eau, de la pollution des sols et de l’eau, et de l’autre le risque de transition, lié à une évolution vers une économie qui prendrait mieux en compte la protection de la biodiversité. Cependant, observe Alix Chosson, « si des risques de transition sont bien identifiés sur les enjeux liés au climat, car des réglementations ont été mises en place, ce n’est pas le cas concernant les enjeux liés à la biodiversité, aussi nous en restons au stade des impacts physiques. Même dans des zones de protection forte, nous observons des activités fortement impactantes pour la biodiversité, comme la pêche au chalut ou comme certaines activités extractives ».
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La double matérialité est centrale pour la biodiversité
Dans ce contexte, la notion, ardemment défendue en Europe, de double matérialité – l’impact des activités humaines sur la biodiversité et la conséquence de la dégradation de la biodiversité sur ces activités – est centrale pour la biodiversité. « Afin d’intégrer pleinement la biodiversité au cœur de nos processus d’investissement, nous devons prendre en compte ces deux aspects : l’impact et la dépendance » ajoute Alix Chosson.
Parmi les domaines où ces risques liés à la biodiversité se sont déjà matérialisés figure le domaine de l’eau. "Le secteur de l’énergie, par exemple, a un important besoin d’eau, pour produire de l'hydroélectricité ou pour refroidir des centrales. Aussi les difficultés d’accès à l’eau ont des impacts sur la production d’électricité, comme pendant la sécheresse en Europe en 2022, qui a vu des entreprises devoir réduire voire interrompre leur production, ce qui a nécessairement conduit à des pertes financières pour elles" relève Elouan Heurard, analyste ESG spécialiste de la biodiversité chez Candriam. Par ailleurs, de nouvelles contraintes réglementaires, créent des risques grandissants de transition, en obligeant des entreprises à réduire leurs prélèvements ou leurs rejets d’eau dans l’environnement. « C’est ainsi qu’au Chili, par exemple, des entreprises minières ont dû réaliser des investissements de plusieurs milliards de dollars pour créer des stations de dessalement, car elles ne pouvaient plus puiser dans les eaux souterraines » illustre Elouan Heurard. Il observe aussi que, dans le cadre d’accords internationaux, les zones protégées vont voir leur taille mais aussi leur niveau de protection augmenter. « En conséquence, certaines entreprises doivent modifier leur mode de production ou réaliser des investissements afin de se conformer à ces nouvelles normes » ajoute-t-il.
Faire en sorte que les entreprises prennent mieux en compte la biodiversité
La dépendance à la biodiversité est ainsi très différente d’un secteur à l’autre. Mais sortir des secteurs les plus dépendants n’est pas la démarche adoptée par Candriam. "Nous resterons exposés à ces secteurs, afin que les entreprises concernées prennent mieux en compte leurs enjeux de biodiversité" indique Alix Chosson, qui souhaite ne pas reproduire les erreurs de certaines stratégies bas carbone sur le thème de la transition climatique, qui visaient exclusivement à minimiser l’empreinte carbone d’un portefeuille. L’objectif est aussi de mieux comprendre le risque biodiversité : "la notion de localisation est également très importante. La biodiversité est un enjeu local, aussi selon le lieu où l’activité d’une entreprise est située, dans une zone déjà urbanisée, artificialisée ou à l’inverse dans un écosystème primaire, ses impacts ne seront pas les mêmes » analyse Alix Chosson.
Plusieurs modèles d’évaluation coexistent
Les investisseurs ont besoin de quantifier les impacts et les dépendances biodiversité, or le processus est complexe. "Il ne s’agit pas juste d’un flux physique comme l’est le CO2, mais d’un impact sur un réseau complexe qu’est le vivant, aussi plusieurs modèles d’évaluation coexistent et expriment des impacts et des dépendances dans des unités différentes" relève Elouan Heurard. La question de la localisation, remettre un impact ou une dépendance dans son contexte écologique, est ainsi essentielle. « Dire qu’on est dépendant de l’eau, ce n’est faire qu’une partie du chemin, car cette dépendance va s’exprimer différemment en fonction de l’état hydrique de la région, du contexte réglementaire, des conditions d’accès à l’eau à cet endroit, du marché de l’eau, etc. » détaille-t-il.
La démarche, intégrer la notion de localisation dans l’analyse biodiversité, est plutôt nouvelle et l’objectif est ambitieux : "Malheureusement, le monde économique est déjà en retard, car selon les objectifs internationaux, nous devrions avoir inversé la courbe de perte de biodiversité d’ici 2030, ce qui nous laisse peu de temps pour implémenter ces pratiques" regrette Elouan Heurard.
En partenariat avec Candriam
Source: www.linfodurable.fr