Investir davantage dans des fonds climat ou l’utilité de former, sensibiliser, convaincre
Dans le cadre du Think tank 2030 Investir demain, initié et animé par ID L’info durable et l’Agefi, le Groupe de travail « Climat » explore les initiatives, obstacles et opportunités pour mieux intégrer l’empreinte carbone et l’ESG dans la gestion de l’épargne.
Après un premier atelier, consacré aux outils de mesure de l’empreinte carbone existants, tant au niveau de la vie quotidienne que de la gestion financière, le groupe de travail « Ma trajectoire Climat boostée par mon épargne » s’est à nouveau réuni pour évoquer la sensibilisation des collaborateurs des établissements financiers et des clients finaux aux enjeux Climat. Pour vendre ou acheter des produits financiers ESG, il est en effet important de disposer d’un niveau de connaissance des enjeux climatiques. Ainsi, l’épargnant peut prendre les bonnes décisions d’investissement afin de verdir son épargne.
Au cœur de ces échanges, l’acculturation des équipes internes aux sujets ESG, grâce à la participation à des fresques du climat ou à des formations en e-learning, mais aussi la meilleure manière de s’adresser au client final, qu’il s’agisse de la conception du produit ou de la communication globale.
Table des matières
Une première étape : former les équipes
Comment sensibiliser les conseillers financiers à l’importance de vendre à leurs clients des produits ESG ? La montée en compétence des collaborateurs financiers sur les enjeux ESG constitue une priorité. Depuis plusieurs années, les initiatives comme la Fresque du Climat ou des formations en e-learning se sont multipliées au sein des établissements comme Spirica, Neuflize OBC ou La Banque Postale. Cependant, le retour d’expérience reste mitigé.
Daniel Collignon, ancien directeur général de Spirica et Consultant, souligne que "la Fresque du Climat a permis une prise de conscience parmi les collaborateurs. Mais seulement une minorité a réellement intégré les enjeux ESG dans son quotidien. » Le problème, selon lui, réside dans le décalage entre cette prise de conscience et l’action concrète.
À La Banque Postale, qui est Entreprise à mission depuis 2022, l’approche est structurée, comme l’explique Mimouna Boutchich, directrice de l’offre Épargne Financière et Assurances : "Nous avons sensibilisé l’ensemble de nos équipes à travers des formations ciblées, mais les résultats varient selon l’appétence individuelle des collaborateurs. Le défi, c’est de proposer des outils concrets pour renforcer leur confiance face aux clients."
Chez Neuflize OBC, Olfa Maalej, directrice du Pôle Solutions, partage un apprentissage clé : "Nous avons commencé par former nos équipes à la terminologie et aux bases de la finance durable. Cela a permis de démystifier le sujet et de donner des briques solides pour engager les discussions. » Cependant, la complexité croissante des réglementations, comme le Règlement Disclosure, crée des tensions et complique encore l’appropriation par les conseillers.
Sensibiliser les clients : entre pédagogie et performance
Si former les conseillers est un premier pas, convaincre les clients de transformer leur portefeuille en y intégrant la composante climat est l'étape la plus complexe. Guillaume Lasserre, Directeur des Gestions chez LBP AM reconnait que "l’une des conclusions des visites mystères qui sont menées auprès des conseillers bancaires est que les principales caractéristiques des produits ESG ne sont pas mises en avant lors des rendez-vous avec les clients", le plus souvent faute de temps. "Le conseiller est sous tension" ajoute-t-il. Pour la majorité des épargnants, l’investissement durable est encore synonyme de compromis sur la performance financière. Une perception erronée mais persistante, comme le note Karen Fiol, vice-présidente de la Chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (CNCGP) : « Nous faisons face à l’idée fausse que privilégier l’ESG limite la performance. C’est un obstacle majeur à surmonter ». « Nous nous battons tous collectivement contre cette image d’Epinal » renchérit Guillaume Lasserre, qui invite l’industrie à mieux valoriser ses actions en faveur du climat.
Nous faisons face à l’idée fausse que privilégier l’ESG limite la performance. C’est un obstacle majeur à surmonter."
Pour dépasser ce frein, certains acteurs misent sur la pédagogie. Neuflize OBC a développé en 2024 des modules de formation à destination des clients en partenariat avec l’Université d’Amsterdam. "Ces modules permettent aux clients de mieux comprendre comment leur épargne peut avoir un impact positif tout en conservant une performance compétitive", explique Olfa Maalej. La Banque Postale, de son côté, expérimente des campagnes de communication mettant en avant des exemples concrets de projets financés par les fonds ESG.
Cependant, pour introduire avec pertinence ce sujet dans le parcours client, le conseiller financier reste entravé par les exigences réglementaires. Comme le rappelle Karen Fiol, "la réglementation est illisible pour le client final. La taxonomie, SFDR ou les PAI (Principales incidences négatives) sont des concepts difficiles à traduire en arguments clairs. Cela freine l’adhésion. »
La réglementation, et notamment l’introduction en 2023 d’un questionnaire obligatoire pour les épargnants, est en effet signalée comme étant un frein pour de nombreux participants, comme Olfa Maalej : « Avant la réglementation, nous avions près de 90 % de nouveaux mandats d’investissement ESG de la part de nos clients. Depuis l’arrivée du questionnaire, comme on laissait au client le choix d’avoir un investissement ESG, nous sommes descendus à 60 % d’investissement ESG. Le questionnaire a eu l’effet inverse de celui recherché. »
Des outils pour relier épargne et empreinte carbone
L’un des leviers prometteurs pour renforcer l’adhésion aux fonds climat est l’intégration de l’empreinte carbone dans les décisions d’épargne. Des outils numériques émergent, à l’image de l’application développée par Neuflize OBC, qui permet de calculer l’impact carbone d’un portefeuille d’investissement. « Nous montrons aux clients l’évolution de leur empreinte carbone s’ils réorientent leur épargne vers des fonds responsables », détaille Olfa Maalej. Mais cette innovation soulève également des craintes de greenwashing, comme l’exprime une participante aux discussions : « Ce type d’outil doit être accompagné de preuves tangibles pour éviter la suspicion. »
Il est important de rappeler et d’expliquer aux épargnants que leur choix d’investissement participe à la transition climatique. L’épargne peut être un levier concret et positif."
Au-delà des outils, plusieurs intervenants plaident pour une approche globale de sensibilisation. Florence Clément de l’ADEME insiste : "Il est important de rappeler et d’expliquer aux épargnants que leur choix d’investissement participe à la transition climatique. L’épargne peut être un levier concret et positif." À cet égard, des campagnes d’information grand public pourraient continuer à jouer un rôle clé, en montrant par exemple comment certains produits financiers ont permis de financer des projets concrets en faveur de la transition énergétique ou de la préservation de la biodiversité.
Vers une épargne climat intégrée : le rôle des intermédiaires
Pour surmonter les obstacles, une meilleure coordination entre tous les acteurs financiers semble indispensable. De la conception des produits à leur distribution, chaque maillon doit être impliqué pour guider efficacement l’épargnant. Comme le souligne Daniel Collignon : "Il faut sortir d’une vision segmentée où l’épargne ESG est perçue comme une niche. L’ensemble des intermédiaires financiers doit s’engager dans cette transition."
Un outil ludique et éducatif, accessible avant les rendez-vous clients, pourrait également faciliter cette transition. L’idée d’un support interactif, comme un jeu de rôle ou un dessin animé, aiderait par exemple à vulgariser les enjeux climatiques auprès des épargnants.
L'épargne est un des leviers permettant aux citoyens d'améliorer leur empreinte carbone."
Malgré les nombreux défis à relever, les signaux restent positifs. Comme le conclut Olfa Maalej : "En cinq ans, nous avons observé un réel changement dans les attentes de nos clients. Si nous continuons à structurer nos offres et à sensibiliser de manière pertinente, les fonds climat peuvent devenir une évidence pour une majorité d’épargnants." De même, Guillaume Lasserre rappelle que l'épargne est l'un des leviers sur lesquels l'épargnant peut agir pour améliorer son empreinte carbone, ce que ne soulignent peut-être pas assez les fresques du climat ou Atelier 2 tonnes. "Nous souhaitons encourager le client à utiliser son libre-arbitre dans la gestion de son épargne, afin de lui permettre de faire son chemin dans son action pour le climat."
L'atelier conclut que vendre des fonds climat ne se limite pas à respecter des réglementations complexes, mais qu'il s'agit avant tout d'une question de pédagogie, d’engagement et de transparence.
Source: www.linfodurable.fr