Finance durable : une nouvelle plateforme pour évaluer les émissions évitées (scope 4)
Il aura fallu 18 mois pour que cet outil soit créé dans le cadre d’un consortium. Il permettra de modéliser l’impact de solutions climatiques (65) dans 8 secteurs (bâtiment, immobilier, carburants alternatifs, agriculture, informatique…)
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Vous avez participé à la création de la plateforme "Émissions Évitées" (Avoided Emissions Platform). De quoi parle-t-on exactement lorsqu’on évoque les « émissions évitées » ?
Il existe aujourd’hui une approche bien connue fondée sur les scopes 1, 2 et 3. Ce que nous proposons avec cette plateforme, c’est d’aller plus loin, en abordant ce qu’on appelle le scope 4, qui permet de mesurer les émissions de gaz à effet de serre évitées grâce à un projet. Cela est crucial pour la transition énergétique : on ne parle plus seulement de ce qu’on émet, mais aussi de ce qu’on évite d’émettre.
Prenons un exemple : un projet d’énergie renouvelable est évidemment plus vertueux, en termes d’émissions, qu’un projet basé sur des énergies fossiles. Le scope 4 permet de quantifier ce différentiel. Certaines émissions évitées – comme celles liées au méthane – ne sont pas toujours bien prises en compte dans les scopes traditionnels, alors qu’elles peuvent l’être dans ce nouveau cadre.
La création d’un consortium vise d’abord à limiter les biais.
Cette plateforme est née d’un besoin de transparence vis-à-vis de nos investisseurs. Jusqu’ici, nous utilisions des outils existants, mais souvent fondés sur des méthodologies peu lisibles, voire "boîtes noires". L’idée ici, c’est de proposer une méthode open source, ouverte et accessible à tous.
Comment fonctionne concrètement cette plateforme et en quoi se veut-elle plus universelle ?
Dans un premier temps, la plateforme sera accessible uniquement aux membres du consortium. Mais elle reste ouverte dans son principe : on y entre des données précises, par exemple sur un projet solaire situé dans le sud de la France – capacité, durée de fonctionnement, etc. En retour, la plateforme fournit une estimation des émissions évitées en fonction du mix énergétique local, car le gain en CO2 n’est pas le même selon qu’on soit connecté au réseau français, allemand ou belge.
Est-ce que ces émissions évitées vont entrer dans le calcul de l’impact carbone des investissements ?
Il s’agit avant tout d’un outil de reporting. Nos investisseurs – je parle ici au nom d’EDRAM – ne nous fixent pas forcément d’objectifs quantitatifs en matière d’émissions évitées, mais souhaitent une information claire et documentée. L’idée n’est donc pas de chercher à tout prix la précision absolue, mais de fournir une donnée cohérente et comparable.
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Ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’on peut aussi intégrer d’autres gaz à effet de serre, souvent négligés, comme le méthane. Il est beaucoup plus nocif que le CO2, mais souvent oublié dans les approches classiques. Par exemple, dans les projets de biogaz, on évoque souvent les bénéfices environnementaux, mais on oublie que le CO2 résiduel issu de la production est souvent relâché dans l’atmosphère. Avec cette méthodologie, on peut calculer l’impact de sa captation et donc valoriser cet aspect dans l’investissement.
La plateforme repose sur un consortium. Pourquoi ce choix, et en quoi est-ce important pour sa crédibilité ?
La création d’un consortium vise d’abord à limiter les biais. Si une seule entreprise pilote un projet de ce type, il y a un risque que la méthodologie reflète uniquement sa propre vision. Ici, chaque acteur – EDRAM, Mirova, et d’autres – vient avec sa sensibilité. Cela permet d’élaborer une méthode qui reflète la diversité du marché.
Il y a aussi un enjeu financier : ce type de développement coûte cher. Et ce sont généralement les investisseurs institutionnels qui ont la capacité de soutenir de tels projets. On a volontairement limité l’implication d’industriels, car eux aussi pourraient introduire des biais liés à leurs technologies.
Enfin, notre objectif est que cette plateforme devienne un standard partagé. Aujourd’hui, on peut soumettre un même projet à deux cabinets d’analyse et obtenir deux résultats différents. Avec les réglementations comme la taxonomie européenne ou la SFDR, cela n’est plus acceptable. Cette plateforme permettra, à terme, d’obtenir une donnée unique, fiable et commune pour tous les acteurs.
Source: www.linfodurable.fr