Européennes: la fronde des agriculteurs lance la campagne
Politique agricole commune, "Pacte vert", traités de libre-échange: la colère des agriculteurs oblige les politiques à se positionner sur des sujets éminemment européens, lançant la campagne à quatre mois du scrutin.
Quand les tracteurs bloquent les routes, les candidats creusent leur sillon. Puissante et persistante, la mobilisation des exploitants écrase l’actualité depuis une dizaine de jours. Oubliées, les polémiques sur la ministre de l’Education. Evacuée, la large censure de la loi immigration par le Conseil constitutionnel.
Si la crise réduit le débat politique à un seul champ d'intérêt, elle offre un terreau fertile aux oppositions.
En particulier pour les têtes de listes aux élections européennes, à commencer par le favori des sondages Jordan Bardella, à l'offensive depuis le début de la crise.
Lundi, sur BFMTV et RMC, le président du Rassemblement national a déroulé son argumentaire contre "la concurrence internationale déloyale" et "les réglementations européennes d'écologie punitive", preuve selon lui que "90% du problème se situe à Bruxelles".
Le leader d'extrême-droite, tête de liste aux européennes, n'est "pas contre la PAC", cette politique agricole commune dont il souhaite toutefois réduire le budget.
Pour lui, "le sujet, c'est les accords de libre-échange", notamment avec la Nouvelle-Zélande et le Mercosur (qui regroupe l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et la Bolivie), et surtout le "Green deal" (Pacte vert) de l'UE, qui sera, jusqu'au 9 juin, "l'un de (ses) deux grands sujets" de campagne avec le pacte migratoire européen.
Une priorité partagée avec la candidate écologiste Marie Toussaint, qui revendiquait au même moment sur Sud Radio son "combat contre le libre-échange" et son "refus de mettre en concurrence les paysans, y compris à l'intérieur même de l'Union européenne".
Quitte à se retrouver en porte-à-faux sur l'aide à l'Ukraine, qui doit, selon elle, passer par "d'autres moyens que la suppression des droits de douane". Ou sur les normes environnementales, quand elle pointe un "décalage" entre "les décisions prises à Bruxelles" et "les réalités de la nature".
– l'écologie, clivage politique –
Les lignes bougent à droite. François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux européennes, s'est dit "évidemment hostile aux accords de libre-échange", reconnaissant sur Europe1 et CNews un "désaccord" sur ce point avec ses alliés au Parlement européen.
Il réclame "un moratoire sur les questions environnementales", accusant la Commission européenne de promouvoir "une forme de décroissance de la production agricole" et Emmanuel Macron de toujours "rajouter plus de contraintes", sur l'herbicide glyphosate et les insecticides néonicotinoïdes en particulier.
Un sujet de clivage avec la gauche radicale, où Manon Aubry affirme que "les normes écologiques ne sont pas le problème". La candidate de La France Insoumise (LFI) aux européennes aboutit pourtant à la même conclusion: face à la "concurrence déloyale" des "fermes usines du Brésil, du Kenya, de Nouvelle-Zélande ou d'Ukraine", il faut "assumer du protectionnisme", a-t-elle expliqué dimanche à 20 Minutes.
Au passage, elle plaide pour un "rééquilibrage" de la PAC, trop favorable aux "grosses exploitations agricoles" selon elle quand "il faut au contraire aider les petits".
Ces réactions en cascade montrent que "l'enjeu européen est mis à l'agenda par la crise agricole", résume le politologue Pascal Perrineau.
Emmanuel Macron va d'ailleurs devoir inscrire le sujet parmi ses priorités au sommet européen de jeudi à Bruxelles.
Mais difficile de tenir longtemps sur le même thème. "Si la crise agricole se prolongeait, cela ferait de l'ombre à la campagne", met en garde M. Perrineau. Il s'attend à voir surgir d'autres sujets de préoccupation comme "l'aide à l'Ukraine" ou "le fonctionnement des institutions européennes".
Source: www.linfodurable.fr