En Haute-Garonne, pour Gabriel Attal, le labeur est dans le pré
"On fait ça pour vous, pour notre pays, pour la jeunesse": juché sur un banc au milieu de la chaussée, Gabriel Attal obtient la levée du barrage emblématique de l'autoroute A64, épilogue d'une journée d'annonces pour tenter d'endiguer la colère des agriculteurs.
19h30: à la nuit tombée, le Premier ministre arrive à Carbonne (Haute-Garonne) sur le site du blocage qui paralyse depuis huit jours cette autoroute névralgique du sud-ouest de la France, à une quarantaine de kilomètres de Toulouse.
La circulation est coupée par de nombreux tracteurs. A l'entrée du barrage, un empilement massif de bottes de pailles recouvertes d'une bâche noire sur laquelle on peut lire: "ici commence la résistance agricole".
Le leader local de la contestation, Jérôme Bayle, casquette jaune vissée à l'envers sur la tête, guide le Premier ministre, comme il l'avait fait dans l'après-midi dans une exploitation de Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne).
Dans ce village, Gabriel Attal a livré ses premières décisions pour répondre à la crise qui dure depuis plus d'une semaine, et qui a vu la France se couvrir de barrages et autres manifestations d'agriculteurs en colère. "Choc de simplification" administrative, annulation de la hausse du gazole non routier agricole, promesse de contrôles sur la loi Egalim censée garantir de meilleurs revenus aux agriculteurs: le chef du gouvernement, qui connaît sa première épreuve depuis son arrivée à Matignon, vante "un nouvel état d'esprit".
Suffisantes pour calmer le mouvement ? A Paris, sur TF1, le président de la FNSEA Arnaud Rousseau appelle à poursuivre la mobilisation. "Ce qui a été dit ce soir ne calme pas la colère, il faut aller plus loin", prévient-il.
En France, la situation semblait contrastée vendredi soir: si les points de blocage sur l'autoroute A10, en Indre-et-Loire et au péage de Saint-Arnoult, dans l'ouest de Paris, semblent en passe d'être levés, le barrage situé au sud de Bourges est maintenu. En Bretagne, le barrage filtrant sur la N164 à Trémorel (Côtes-d'Armor) est levé, mais des manifestations sont toujours en cours notamment près de Morlaix, Guingamp, Quimper ou encore sur l'A84 à hauteur de Fougères.
-"Ce soir on fait la bringue"-
Autre ambiance à Carbonne. Sur l'A64, la cohue règne, mais sans slogans hostiles. Le Premier ministre serre des mains, des enfants demandent des selfies.
Au milieu d'une centaine de personnes, Gabriel Attal échange avec un premier agriculteur. Les mesures annoncées, "ne le prenez pas mal mais je pense que c'est insuffisant", lui dit-il. "C'est le début de quelque chose. J'entends votre désarroi, je sais que c'est dur", lui répond M. Attal, en service après-vente de ses annonces.
Le Premier ministre prend l'apéritif. Puis monte sur un banc avec Jérôme Bayle. Au centre de l'attention médiatique, l'agriculteur non syndiqué ne boude pas son plaisir. Il raconte avoir vu son visage, celui du "leader de la révolte syndicale Jérôme Bayle", accolé à celui de son auguste interlocuteur dans un reportage à la télévision. "En venant nous rencontrer, c'était une preuve de respect", poursuit-il.
"Merci de m'accueillir ici". "Aucun d'entre vous n'a bloqué une autoroute par plaisir", entame Gabriel Attal.
"C'était pour défendre votre métier, votre passion, défendre votre vocation mais aussi pour défendre notre pays". Car "sans paysans il n'y a pas de pays, sans nos agriculteurs on n'est plus la France", poursuit le Premier ministre.
"Je sais bien que le malaise qui vous a conduit ici, il vient de loin" (…) "Et je sais que pour vous montrer que ça change, il va falloir des actes, des paroles vous en avez déjà beaucoup eu", conclut le Premier ministre, sous les applaudissements de l'assistance.
Le verdict tombe: Jérôme Bayle annonce la levée du blocage de l'autoroute pour samedi midi. "J'ai mes trois mesures (sur le gazole non routier, l'irrigation et la MHE, maladie affectant les bovins, NDLR). Ce soir, on fait la bringue et demain, on nettoie l'autoroute et on s'en va", glisse-t-il.
La délégation du Premier ministre repart pour Paris. Satisfaite. "Ca change, non ? L'empathie, tout ça", s'amuse une source gouvernementale, en comparaison avec Élisabeth Borne.
Source: www.linfodurable.fr