En chiffres : quel est le rapport des Français à la consommation de textile ?
L’ADEME a publié le 25 juin dernier une étude* réalisée par l’ObSoCo et visant à qualifier les habitudes de consommation de textile des Français. Premier constat : une minorité de gros consommateurs portent le marché de l’habillement, soit entre 20 et 25 % de la population, selon les critères retenus. Ces gros consommateurs sont surreprésentés parmi “une population jeune et urbaine” et sont “très sensibles à la dimension identitaire, esthétique, des vêtements et au fait de renouveler régulièrement leur garde-robe », précise l’étude.
Selon celle-ci, les boutiques restent encore aujourd’hui lelieu d’achat privilégié en ce qui concerne les vêtements et ce que ce soit chez les plus jeunes ou les plus âgés. Et ce même si les achats en ligne progressent dans le secteur de l’habillement.
En moyenne, le nombre de pièces neuves achetées sur le marché français en 2024 par Français s’est élevé à 42, dont 26 vêtements, d’après le Baromètre annuel de la consommation des textiles et des chaussures en France publié par Re_Fashion le 17 juin.
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Perception erronée et stock dormant
Que contiennent d’ailleurs nos placards ? Avons-nous conscience du nombre de vêtements que nous possédons ? Les répondants ont évalué en moyenne à 79 pièces le nombre de vêtements dont ils disposent. Des revues de placards ont été effectués au domicile de 40 de ces consommateurs et ont révélé un rapport moyen de 1 à 2, 2 entre ces estimations et la comptabilité effective faite au domicile. Des résultats qui ont permis d’estimer la garde-robe moyenne effective comme gravitant autour de 175 pièces par personne.
Cette étude met aussi en avant l’idée que se font les Français de leur consommation de textile. Ils sont 35 % à juger que la quantité de vêtements qu’ils possèdent tend à excéder leurs besoins. Et seuls 19 % considèrent que les achats qu’ils réalisent chaque année sont “excessifs”. L’étude précise que la remise en question de la consommation de vêtements porte davantage sur le stock, les volumes accumulés au cours des années et donc le besoin de faire le tri dans ses placards, plutôt que sur le volume des achats effectués annuellement.
Important à noter : plus de la moitié des vêtements dont disposent les Français sont stockés mais ne sont plus utilisés. On appelle cela un “stock dormant”. Celui-ci serait aussi sous-estimé. Extrapolé à l’échelle de l’ensemble de la population, ce stock dormant contiendrait en partie environ 120 millions de vêtements achetés il y a plus de trois mois et encore à l’état neuf (c’est-à-dire, pas du tout portés, ou seulement une fois ou deux).
Aussi, les résultats de l’étude pointent des “erreurs récurrentes”. Sans compter que ces achats de vêtements non portés ou quasi pas, seraient deux fois plus fréquents chez les consommateurs adeptes des plateformes de mode éphémère.
Notion de “besoin”
On dit parfois avoir “besoin” de tel nouveau haut, tel nouveau bas, etc. À quoi renvoie cette notion de “besoin” ? Selon l’étude, d’abord au renouvellement des vêtements sur des critères objectifs : vêtement usé, abimé, changement de poids. Une majorité de Français évoque également la saisonnalité et donc le “besoin” d’achat à des périodes récurrentes (été/hiver). Mais sont également qualifiées de “besoins” les occasions particulières et les activités spécifiques comme le sport, les voyages… Une notion d’occasion qui, selon les répondants, est plus ou moins extensive : d’un mariage à un dîner avec une amie.
La “sociabilité, l’intégration, l’identification, la distinction” ou le fait de “se sentir bien” sont aussi rattachés à la notion de besoin. L’étude indique que les vêtements ont donc une valeur sociale forte.
Par ailleurs, le besoin de “nouveauté” est aussi cité. “Ce besoin de nouveauté montre une vraie porosité entre les notions de besoins et de plaisir dans l’achat de vêtements et questionne la pertinence d’une communication empruntant cette sémantique du ‘besoin’ pour s’adresser aux individus au sujet de la surconsommation de produits d’habillement”, pointe l’étude.
Le saviez-vous ?
L’affichage du coût environnemental sur les vêtements sera déployé dès l’automne 2025 par les entreprises volontaires. Il vise à rendre compte de l’impact environnemental des produits et à répondre aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat et de la loi Climat et Résilience. Ce dispositif est piloté au niveau politique par le ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, avec l’appui de l’ADEME en tant qu’opérateur technique.
Ce coût environnemental est exprimé en “points d’impact” et synthétise l’ensemble des impacts environnementaux d’un produit.
La fast fashion et l’ultra fast fashion
Quelle part de Français consomme de lafast fashion et quelle part a recours à l’ultrafast fashion ? Concernant sa consommation personnelle de vêtements, c’est près d’un Français sur deux qui s’approvisionne dans au moins dans une enseigne assimilée à de la fast fashion de première génération, c’est-à-dire des enseignes telles qu’H&M, Zara, Primark… Concernant l’ultra fast fashion, représentée par des plateformes comme Shein, Temu, Asos ou Boohoo, celle-ci touche moins de consommateurs, à savoir 24 % d’entre eux.
Quel est le profil de ces consommateurs ? Concernant ceux qui se tournent vers la fast fashion, les publics sont relativement divers, avec une légère surreprésentation des hommes, des jeunes et des résidents des grands pôles urbains. Toutes les catégories sociales se retrouvent dans la clientèle.
Pour ce qui est de la clientèle des enseignes d’ultrafast fashion, celle-ci est plus marquée sur plan socio-démographique, avec un public majoritairement féminin (à 70 %), plus jeune que la moyenne, à savoir 38 ans d’âge moyen contre une moyenne nationale de 46 ans. Les plus de 55 ans sont quasiment inexistants dans cette clientèle. Les ménages relativement modestes sont surreprésentés. Ces consommateurs se retrouvent par ailleurs sur l’ensemble du territoire avec une légère surreprésentation des communes rurales.
Comment les consommateurs perçoivent-ils la fast fashion de première génération ? Celle-ci est plutôt bien évaluée en termes de qualité et de durabilité des vêtements. Par contre, les enseignes d’ultra fast fashion sont moins bien perçues : seuls 24 % des consommateurs disant connaître l’offre de Shein, par exemple, jugent que les vêtements y étant vendus sont de bonne qualité, indique cette étude. Une part qui descend à 16 % pour Temu, à 14 % pour Ali Express et à 8 % pour la plateforme américaine Wish.
Pourquoi ces consommateurs favorisent-ils malgré tout ces enseignes ? Ils sont deux fois plus nombreux que la moyenne à pointer comme critère de choix de leur enseigne principale le fait de pouvoir “acheter beaucoup de vêtements” et de “les renouveler souvent”.
L’étude note unepropension aux “achats-erreurs”, soit des achats regrettés que les consommateurs n’ont que très peu portés, voire pas du tout, particulièrement répandue dans les enseignes d’ultra fast fashion. Cela concerne près d’un consommateur sur deux (45 %) dont 18 % pour qui ces erreurs sont arrivées à plusieurs reprises sur une période d’un an.
“La fréquentation des enseignes d’ultra fast fashion aurait donc un impact sur les flux annuels, le taux d’achats ‘inutiles’ peu voire pas du tout portés, le nombre (plus réduit) de portées et la vitesse de rotation des vêtements”, peut-on lire, les prix bas proposés par les plateformes d’ultra fast fashion jouant “un rôle majeur dans le renouvellement fréquent de la garde-robe".
Sont aussi citées “la ludification des applications d’ultrafast fashion” et “la présence importante de publicité”, qui tendent à pousser à l’achat impulsif.
Quid de la seconde main ?
Le recours au marché de la seconde main dans le secteur de l’habillement concerne près d’un Français sur deux et s’organise majoritairement à travers les plateformes en ligne. L’étude note que Vinted occupe en la matière la place de leader incontesté, captant plus de 90 % des personnes passant par Internet pour leurs achats et reventes de vêtements d’occasion. On note que l’achat et la revente de vêtements d’occasion constituent des pratiques différentes effectuées par des publics différents.
Toujours selon cette étude, est observée chez ces adeptes de la seconde main en ligne unelogique “très consumériste”, “les usagers des plateformes de seconde main comptant fréquemment parmi les plus gros consommateurs de vêtements malgré un budget dédié aux vêtements légèrement inférieur à la moyenne.”
Par ailleurs, les produits revendus sur les plateformes de seconde main seraient, en moyenne, très peu portés et loin d’avoir vécu une première vie complète.
Enfin, si ces utilisateurs sont les moins nombreux à jeter leurs vêtements directement à la poubelle, ils sont aussi les moins nombreux à les déposer en points de collecte…
*Méthodologie : un dispositif d’étude complet divisé en 5 phases : 1. Un état de l’art visant à dresser, à travers une phase de recherche bibliographique et documentaire, le panorama le plus exhaustif possible des travaux et données déjà disponibles sur la consommation de vêtements en France. 2. Des entretiens avec les principaux acteurs du secteur. 3. Une enquête quantitative réalisée auprès d’un échantillon de 4000 personnes représentatif de la population de France métropolitaine âgée de 16 à 75 ans (réalisée en ligne entre le 15 et le 30 avril 2024). 4. Le suivi d’une cohorte de 159 consommateurs (sélectionnés parmi les répondants à l’enquête quantitative) sur une période d’un peu plus de 7 mois (de juin 2024 à fin janvier 2025) visant à monitorer toutes les entrées et sorties (achats, dons, reventes, débarras…) de vêtements sur la période. 5. La visite au domicile et la réalisation d’entretiens ethnographiques auprès de 40 participants à la cohorte afin de procéder à un inventaire des placards – et entre autres, mettre en regard les volumes déclarés durant la phase quantitative et le comptage effectué durant ces visites. Ces 5 phases se sont déroulées entre le mois de janvier 2024 et le mois de février 2025.
En partenariat avec l'ADEME.
Source: www.linfodurable.fr