Éco-scénographie, par où commencer ?
L’événementiel est par nature un métier très circulaire. Prenons par exemple le matériel son et lumière, les ponts scéniques ou encore les meubles d’exposition qui sont réutilisés des centaines de fois… Cette part “locative” représente en moyenne 80% de la structure d’un évènement. Mais de l’autre côté du spectre, tous les éléments décoratifs et signalétiques soulèvent une vraie question, ces derniers étant généralement fabriqués à usage unique. Salons, défilées, festivals et expositions consomment énormément de matières premières (bois, plastiques, textiles, moquettes etc.) pour leurs besoins en scénographies et aménagements éphémères qui, par définition, n’ont pas vocation à durer dans le temps. Et même si les choses sont en train de changer – rappelons que L’Union Française des Métiers de l’Evénement (UNIMEV) et ses partenaires ont signé un Engagement pour la Croissance Verte avec le Ministère de la Transition écologique en 2022 – cette économie du décor linéaire est un fil rouge pour tous les acteurs du secteur. Ces derniers sont souvent contraints financièrement malgré une réelle volonté d’aller de l’avant. Fait notable : il coûte par exemple beaucoup moins cher de fabriquer un décor neuf plutôt qu’en réemploi… Si ce n’est culturels, les freins sont en tout cas structurels.
De la nécessité de faire le tri dans les concepts
Pour bien comprendre les leviers d’action, il est primordial de faire le tri dans les concepts. Commençons par la “revalorisation” car c’est le procédé qui englobe tous les autres. Ce terme signifie littéralement qu’on va chercher à “redonner une valeur à” un élément qui n’en dispose plus, un déchet par exemple. Cela peut passer par une action de réemploi, mais aussi d’upcycling ou encore de recyclage (du plus au moins vertueux écologiquement). Le réemploi, c’est le fait de réutiliser un objet ou un matériau “tel quel”. Quand vous achetez une chaise à la brocante ou un pull sur Vinted par exemple, vous faites du réemploi… L’usage sera le même que celui prévu initialement. À la différence de l’upcycling qui va impliquer une action de transformation, l’exemple classique étant l’utilisation d’anciennes bâches publicitaires pour fabriquer des objets du quotidien : trousses, sacs ou pochettes d’ordinateurs. Cela nécessite du matériel, de l’énergie et va souvent générer des chutes de production, c’est donc moins indolore que le réemploi dit “direct” mais les possibilités d’usage sont infinies ! Enfin vient le recyclage, qui est en fait un procédé de destruction / transformation de la matière. S’il peut sembler pertinent sur le principe, il faut l’employer seulement en dernier recours. Ceci car plus la durée de vie d’un produit pourrait être rallongée (= en état de resservir), moins l’action de recyclage a de sens écologiquement…
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Appliquer la règle des 3 “R”
L’écoscénographie se définit comme unepratique écoresponsable de la scénographie, intégrant une approche “cycle de vie” à la fois du point de vue artistique, technique, administratif et logistique. Les leviers à activer sont nombreux et cumulatifs, mais une bonne façon de se mettre en ordre de marche étant d’appliquer la fameuse règle des 3 “R” : Réduire, Réemployer, Recycler.
Dans cet ordre, il faut penser dans un premier temps à Réduire autant que possible, autrement dit se poser la question de ce qui pourrait être soustrait d’un projet de scénographie sans que les objectifs de l'événement en pâtissent. C’est le concept de sobriété, faire aussi bien avec moins. On pense notamment à sourcer des matériaux dont les facteurs d’émission à la production sont moins élevés que d’autres. La marge de manœuvre est énorme, rien que pour le bois par exemple, le contreplaqué est onze fois moins polluant que l’OSB… ! Autre axe intéressant : substituer des éléments nécessitant de la fabrication (et donc des matières premières : châssis bois, moquettes, peinture etc.) par des structures modulaires, de la lumière ou encore du voilage en location… Dans un autre ordre d’idée, faire un bon choix de lieu est aussi primordial : nul besoin de recouvrir l’espace du sol au plafond si son identité naturelle est en phase avec votre concept…
Ensuite vient le deuxième “R” du Réemploi. Une fois que vous avez réduit au maximum, anticipez le réemploi de tous les éléments qui devront quoi qu’il en soit être fabriqués pour l’évènement. Pour cela, commencez par exemple par penser des systèmes de montage / démontage intelligents qui permettront de ne pas trop endommager les matériaux à l’usage, et donc in fine d’en prolonger la durée de vie. Il existe aussi des astuces toutes simples (et désormais bien connues) consistant par exemple pour les évènements récurrents à retirer toutes les dates des supports signalétiques qui pourront ainsi être réutilisés d’une année sur l’autre. Autre piste pour favoriser le réemploi, et pas des moindres : réfléchir en amont à des espaces de stockage tampon, le temps d’identifier des solutions de seconde vie auprès de réseaux associatifs locaux… Tout peut avoir un usage en seconde main !
Les évènements continueront à s’organiser et c’est une très bonne chose, n’oublions pas que le secteur protège des dizaines de milliers d’emplois et reste un fort animateur du territoire en plus d’un créateur de lien social fort
Et enfin, arrive le recyclage. Tous les éléments pour lesquels vous n'aurez pas été en mesure ni de réduire, ni de réemployer (les contraintes d’un évènement sont ce qu’elles sont… On fait parfois ce qu’on peut), s’offre la solution du recyclage. Mais en dernier recours seulement ! Et en gardant bien en tête qu’il ne s’agit pas d’une solution miracle : même dans le cas où vous destinez un élément au recyclage, il faut garantir un tri qualitatif pour que l’opération soit viable et trouver une filière locale, sans quoi le bilan carbone que vous souhaitez améliorer risque paradoxalement d’en prendre un coup…
Il existe de nombreux leviers dont seuls quelques-uns ont été évoqués ici, l’important étant pour tous les organisateurs de prendre le pli étape par étape afin de généraliser le “réflexe éco-scénographie”. Les évènements continueront à s’organiser et c’est une très bonne chose, n’oublions pas que le secteur protège des dizaines de milliers d’emplois et reste un fort animateur du territoire en plus d’un créateur de lien social fort… Il faut donc continuer à faire, mais mieux. C’est-à-dire avec un impact décroissant, en phase avec le défi environnemental actuel.
Par Vincent Raimbault , fondateur de Muto.
Source: www.linfodurable.fr