Des JO dans les Alpes en 2030, des livres et des montagnes de questions
Présidente de Mountain Wilderness France, un mouvement mondial initié en Italie en 1987 pour protéger ces territoires, Fiona Mille vient de publier "Réinventons la montagne. Alpes 2030, un autre imaginaire est possible".
Alors qu’il y a « cet impératif de transition » écologique, les Jeux « cherchent encore à faire rêver autour des sports d’hiver, à faire perdurer ce modèle touristique et économique qui n’a malheureusement plus l’avenir qu’il a eu jusqu’ici », explique-t-elle dans un entretien accordé à l’AFP. « On a quand même des défis majeurs à relever, poursuit-elle. Si les JO sont notre seul horizon collectif politique pour 2030, c’est vraiment pauvre comme vision. »
Ces Jeux, dont le comité d'organisation doit être lancé mardi, lui sont apparus "d'un anachronisme complet" dès l'annonce, écrit-elle dans son essai, qu'elle parsème d'interviews, comme celle de Marie Dorin, championne olympique de biathlon. « Je suis triste de le dire mais les Jeux d’hiver sont de plus en plus déconnectés des milieux naturels, des spécificités même de la montagne », regrette la sportive.
Politique de soutien aux canons à neige
Dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de 2°C au cours du XXe siècle contre 1,4°C dans le reste du pays. Et les Alpes ont perdu un mois d'enneigement ces cinquante dernières années.
"Les impacts ne se situent pas uniquement au niveau des stations mais concernent tous les écosystèmes montagnards et la vie des habitants: la question de la ressource en eau, des glaciers qui disparaissent, de l'avenir du modèle agricole et pastoral, de la mobilité, avec l'impératif de sortir des énergies fossiles… », ajoute Fiona Mille.
La question de l'eau est ainsi cruciale. Dans un rapport de 2024 intitulé "Stations de montagne", la Cour des comptes considérait que "l'impact de la production de neige sur les ressources en eau apparaît sous-estimé dans de nombreux territoires. Il serait nécessaire que les autorisations de prélèvements d'eau destiné à la production de neige tiennent davantage compte des prospectives climatiques ».
Selon Fiona Mille, "ces Jeux sont un bon prétexte pour continuer à financer des politiques publiques de soutien aux canons à neige, aux retenues collinaires, pour finalement essayer de faire perdurer le modèle".
À lire aussi :"Ecologie : gagner plus, dépenser moins"
Transparence
Dans "Le crépuscule des Jeux", le journaliste Guillaume Desmurs, qui travaille notamment sur l'avenir de la montagne, décrit sa joie de collégien à l'annonce de l'obtention des JO d'Albertville de 1992, il y a plus de trente ans. Mais les temps ont changé. "On a de toute évidence une candidature politique, soutenue par aucun athlète, et qui n'est appuyée sur aucun dossier", avance-t-il dans un entretien accordé à l'AFP.
Au niveau des transports par exemple, le "vieux dossier" de l'ascenseur "valléen" entre la commune de Bozel et la station de Courchevel (Savoie) a été réactivé, explique-t-il. "Cet ascenseur n'est relié à rien, il faut 15 km pour aller à la gare, il faut construire un immense parking et un village olympique", raconte-t-il, rien qui, pour lui, "ne s'inscrive dans un projet de territoire".
"Il faut urgemment qu'on transforme le modèle économique car là on arrive au bout!", poursuit-il. Il fait l'analogie avec le film "Don't look up » – un déni généralisé alors qu’une comète s’apprête à anéantir la terre, allégorie du déni face au réchauffement climatique.
Pour l'instant, dans les Alpes, notamment au Grand Bornand et La Clusaz qu'il connaît bien, c'est plutôt "le grand désintérêt" chez les habitants, dit-il. Il plaide pour plus de transparence: "Est-ce qu'on peut savoir en tant que citoyen, ce que vous allez faire, quelles vont en être les bénéfices, les risques, et combien ça va coûter?"
France Nature Environnement et Mountain Wilderness ont réclamé un débat à la Commission nationale du débat public (CNDP), instance créée par la loi Barnier de 1995.
Interrogée par l'AFP, la CNDP a répondu que "c'est au porteur de projet de rendre public son projet et, le cas échéant, de la saisir". "A ce stade, elle n'a pas reçu d'information sur l'identité du ou des porteurs de projets, malgré ses demandes au comité olympique français, et n’a donc pas été saisie. »
En attendant, l'association Mountain Wilderness a lancé fin janvier une consultation nationale sur le devenir des montagnes en 2030, qui avait déjà récolté 100.000 participations au bout de deux semaines.
Avec AFP.
Source: www.linfodurable.fr