Le paracétamol, antalgique et antipyrétique emblématique, dépend aujourd’hui de matières premières fossiles, principalement issues du pétrole. Chaque année, ce sont plusieurs milliers de tonnes de combustibles fossiles qui sont extraits pour alimenter les usines de synthèse chimique. Ce processus, au bilan carbone dramatique, symbolise la rigidité d’un système incapable jusqu’ici d’évoluer face à l’urgence climatique.
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Paracétamol et plastique, la collision de deux urgences mondiales
C’est précisément dans cette double impasse, pénurie fossile et pollution plastique, que les chercheurs écossais ont placé leur levier. Ils ont reprogrammé génétiquement la bactérie Escherichia coli afin qu’elle puisse convertir une molécule issue du plastique PET (polytéréphtalate d’éthylène) en paracétamol. Le PET, ce polymère omniprésent dans les bouteilles alimentaires, les cartes bancaires ou les revêtements métalliques, génère chaque année plus de 350 millions de tonnes de déchets. Des océans jusqu’aux entrailles du sol, cette matière plastique est partout – et nulle part recyclée de manière vraiment durable. C’est pourtant de cette masse polluante qu’émerge désormais un espoir thérapeutique.
La bactérie modifiée agit sur l’acide téréphtalique, un composant dérivé du PET, pour en extraire la molécule active du paracétamol. Selon l’étude publiée le 23 juin 2025 dans Nature Chemistry, la conversion s’effectue à température ambiante, sans émission carbone notable, et atteint un taux de transformation de 90 % en moins de 24 heures. « Ce travail démontre que le plastique PET n’est pas seulement un rebut ou un matériau condamné à être reproduit à l’infini : il peut être transformé par des micro-organismes en nouveaux produits utiles, y compris à usage médical », a déclaré le professeur Stephen Wallace, directeur de l’étude, dans le communiqué officiel de l’Université d’Édimbourg.
Paracétamol : vers une production circulaire et décarbonée
Les implications industrielles sont énormes. La fermentation bactérienne utilisée ici reprend les procédés connus de brasserie, sauf qu’au lieu de produire de l’alcool, c’est un principe actif pharmaceutique qui émerge. À une époque où l’on parle abondamment d’économie circulaire et de chimie verte, cette technologie marque une rupture tangible. Elle démontre qu’il est possible de construire des « usines microbiennes vivantes », capables de générer des médicaments tout en dépolluant la planète.
Ian Hatch, responsable du département de conseil à Edinburgh Innovations, l’a résumé ainsi : « La biologie de l’ingénierie offre un potentiel immense pour rompre notre dépendance aux combustibles fossiles, bâtir une économie circulaire et créer des substances chimiques et matériaux durables. » Et les ambitions ne s’arrêtent pas là. Le projet bénéficie du soutien du groupe pharmaceutique AstraZeneca, via un financement EPSRC-CASE, qui vise à passer de l’échelle de laboratoire à la production industrielle. Les chercheurs ont d’ores et déjà lancé un appel aux entreprises du secteur pour collaborer à cette transition.
Du paracétamol biofabriqué ?
Mais entre la démonstration en laboratoire et la commercialisation à grande échelle, le chemin reste escarpé. Le processus doit encore être optimisé, notamment en matière de coûts, de stabilité bactérienne et de régulation pharmaceutique. L’Union européenne, par exemple, impose des normes strictes sur la provenance des substances actives. Rien ne garantit que cette filière biosourcée sera acceptée sans heurts dans le circuit des médicaments. Cependant, les premiers retours sont enthousiastes. Le journal L’Union souligne que « les chercheurs se disent capables de transformer 90 % de plastique PET », tout en précisant qu’ils « ont fait un appel à des entreprises telles qu’AstraZeneca, ainsi qu’à d’autres universités, afin de traduire ces découvertes de pointe en innovations qui changent le monde. »
Au croisement entre biotechnologie et recyclage, ce procédé ouvre la voie à des médicaments moins chers, moins polluants, et peut-être même fabriqués localement à partir des propres déchets plastiques d’un territoire donné. Difficile d’imaginer une plus grande ironie thérapeutique : se soigner avec ce qui nous empoisonne.
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Source: www.greenetvert.fr