À l’occasion de la Journée internationale des déchets électroniques, les chiffres tombent et ils frappent. En UE27+4, ce flux a atteint 10,7 millions de tonnes en 2022, soit environ 20 kg par habitant, mais moins de 54 % seulement suivent des filières conformes. Le reste nourrit pertes de valeur, pollution et dépendance aux importations. Pourtant, ces déchets électroniques renferment un gisement stratégique : un million de tonnes de matières premières critiques chaque année, dont du cuivre, du lithium et de l’aluminium indispensables à nos réseaux, batteries et data centers.
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Réparer la chaîne de valeur des déchets électroniques pour capter le cuivre, le lithium et l’aluminium
La première évidence tient dans la matérialité des déchets électroniques. Ils contiennent des métaux omniprésents : cuivre des câbles, aluminium des châssis, lithium des cellules, mais aussi silicium, tungstène et métaux précieux. D’après l’analyse publiée à l’International E-waste Day, 29 matières premières critiques sont repérées dans ce flux européen, avec 1 million de tonnes de ressources intégrées chaque année. Les déchets électroniques ne sont pas un rebut sans valeur : « Les déchets électroniques de l’Europe ne sont pas des déchets ; ce sont une ressource de plusieurs milliards d’euros qui n’attend qu’à être exploitée », insiste Kees Baldé. Pourtant, la chaîne se rompt trop tôt. 46 % des déchets électroniques échappent encore aux filières conformes, ce qui provoque des pertes massives de matériaux.
Même au sein des flux correctement traités, les rendements restent perfectibles. L’inventaire FutuRaM relève qu’en 2022, l’Europe a extrait environ 400 000 tonnes de matières critiques à partir des seules filières conformes, dont 162 000 tonnes de cuivre et 207 000 tonnes d’aluminium, alors que 100 000 tonnes de matériaux critiques ont quand même été perdues, notamment des terres rares. Par conséquent, améliorer la conception, la collecte et le tri des déchets électroniques devient une condition économique autant qu’environnementale.
Comment les petits déchets électroniques grèvent 10 milliards de dollars de valeur
Le blocage tient aussi à la perception. Une part cruciale des déchets électroniques reste « invisible » aux yeux des consommateurs : câbles, jouets électroniques, e-cigarettes, clés USB, accessoires domestiques. « Beaucoup de gens ne savent pas que leurs petits objets sont en fait des déchets électroniques. On les appelle les déchets électroniques invisibles», rappelle Magdalena Charytanowicz, citée par Sciences et Avenir. Ces objets s’entassent dans les foyers ; ils ne rejoignent ni les points de collecte ni les bennes dédiées, alors même qu’ils concentrent du cuivre, du lithium et de l’aluminium récupérables.
Ces invisibles représentent environ 9 milliards de kilogrammes par an à l’échelle planétaire et près de 10 milliards de dollars de matières premières laissées en jachère. Le constat se heurte en 2025 à un choc conjoncturel : la fin de support de Windows 10 ce 14 octobre 2025. Des millions d’ordinateurs non compatibles risquent d’être mis au rebut s’ils ne sont pas réemployés ou correctement collectés. Des spécialistes alertent sur une vague supplémentaire de déchets électroniques portant, en cascade, sur la perte de cuivre et d’aluminium intégrés aux cartes, alimentations et boîtiers, si les filières n’absorbent pas ce surcroît. Sans action immédiate, l’effet « tiroir plein » des déchets électroniques invisibles s’additionne à un effet « obsolescence logicielle ».
Pourquoi les déchets électroniques sont un actif d’infrastructure
D’un point de vue économique, internaliser la valeur des déchets électroniques change l’équation industrielle. Le consortium FutuRaM chiffre le potentiel : à l’horizon 2050, l’UE27+4 pourrait récupérer 0,9 à 1,5 million de tonnes de matières critiques par an selon les scénarios, tout en stabilisant le volume de déchets électroniques autour du niveau actuel si la circularité progresse. Ce double dividende, moins de pression environnementale, plus de cuivre, lithium et aluminium domestiques, sécurise réseaux, batteries et industrie. La bascule demande des leviers concrets. D’abord, collecter plus, perdre moins : l’essentiel de la fuite se joue au premier kilomètre des déchets électroniques. Multiplier les reprises en magasin, rendre visibles les points de collecte et intégrer la reprise systématique à l’acte d’achat sont des mesures immédiatement opérantes, plaide l’analyse publiée pour la Journée.
Ensuite, concevoir pour le démontage : vis standardisées, modules accessibles, identification claire des matériaux facilitent l’extraction des cartes riches en cuivre, des châssis en aluminium et des modules contenant du lithium. Enfin, cibler les bons composants : disques et moteurs pour les aimants, cartes pour les métaux précieux, câblage pour le cuivre. Les auteurs du communiqué FutuRaM soulignent que, malgré les progrès, 100 000 tonnes de matières critiques restent perdues chaque année au sein même des flux conformes, d’où l’urgence d’investir dans la collecte et les procédés. Au-delà des usines, le message s’adresse aux ménages. « Chaque téléphone oublié dans un tiroir, chaque appareil stocké au garage représente de la valeur perdue », insiste la coordination de l’International E-waste Day. Et l’Europe doit exploiter sa mine urbaine pour sécuriser ses approvisionnements et limiter la dépendance géopolitique.
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Source: www.greenetvert.fr