Dans « L’Archipel de Kembs », citoyens et paysans redonnent du sens à l’agriculture locale
A Kembs (Haut-Rhin), une ferme communale, une épicerie auto-gérée et des agriculteurs locaux forment depuis 2016 un réseau d'acteurs qui cherchent à reprendre en main leur souveraineté alimentaire à travers un projet citoyen baptisé l'"Archipel de Kembs".
Tout commence en 2016 par la projection de « Demain », documentaire réalisé par Cyril Dion, explorant des initiatives locales pour répondre à l’urgence climatique: « ça nous a donné envie d’agir à notre petite échelle », se remémore Brice Laloy, élu municipal depuis 2020 et initiateur du projet avec sa compagne Julia Ludwiczak.
"On voulait trouver différents moyens pour que les habitants et leurs enfants renouent avec la terre qui les nourrit", confie la native de la petite ville de 5.500 habitants.
A plusieurs reprises, le couple ne manque pas de rappeler que c'est le fruit d'un travail "collectif": aujourd'hui, une quinzaine de citoyens bénévoles s'impliquent activement à la ferme, en lieu et place de l'ancien terrain de football, comme du côté de l'épicerie située en centre-bourg.
"Sans la volonté municipale, ça aurait été impossible d'aller aussi vite", admet Brice Laloy, rappelant que ces deux lieux ont été octroyés par la commune.
– De la ferme à la cantine –
Les enfants occupent une place centrale au sein du collectif. "Dès le départ, on voulait faire en sorte qu'ils deviennent de véritables écocitoyens", souligne Julia Ludwiczak, elle-même mère de deux enfants scolarisés à Kembs. Une sensibilisation "de la fourche à la fourchette", comme le répète à l'envi Julien Broual, employé conjointement par le collectif et la mairie.
Le maraîcher de 26 ans, en charge de la ferme communale, accueille régulièrement les élèves des trois écoles kembsoises. "Ils peuvent voir pousser les légumes qu'ils retrouveront dans leur assiette".
Chaque année, la ferme récolte près de huit tonnes de fruits et légumes, dont la moitié est dédiée aux 300 repas quotidiens de la cantine. L'autre moitié alimente les étals de l'épicerie auto-gérée.
Si cette dernière, officiellement le "Groupe d'achat solidaire du pays rhénan", fournit les habitants en fruits et légumes kembsois, elle permet également à une trentaine d'exploitations à 50 kilomètres à la ronde d'y vendre leurs produits "à prix coûtant pour garantir (aux exploitants) une juste rémunération".
"Aux agriculteurs qui cherchent à se convertir en bio, on propose de les accompagner financièrement et de vendre leurs produits pour les soutenir dans le processus", continue M. Laloy. "Cette rencontre citoyens-agriculteurs peut faire la différence."
– "Faire des petits" –
"C'est plus simple de créer de la connexion entre 5.000 habitants", convient Julia Ludwiczak, pour qui l'Archipel de Kembs n'est cependant pas une solution miracle applicable partout. "Notre objectif c'est surtout de +faire des petits+, que l'idée de recréer du lien essaime", partage Brice Laloy.
"On essaye de raccourcir les chaînes sur tous les plans. On vit dans une économie mondialisée, les gens ont le sentiment de ne plus avoir de prise sur les enjeux, notamment environnementaux", explique Julien Broual.
Le collectif milite pour que d'autres mairies créent un réseau similaire, notamment en investissant leurs terrains de football abandonnés. "En plus, c'est de la très bonne terre vu qu'elle a bien reposé".
"On est un peu une émanation de la sécurité sociale alimentaire", continue le maraîcher. Défendue par des ONG environnementales et le syndicat agricole Confédération paysanne, cette politique permettrait aux citoyens de consommer des produits sains à un coût raisonnable tout en permettant aux agriculteurs d'être mieux rémunérés.
Une évocation qui fait écho à une partie des revendications des agriculteurs, actuellement dans l'attente de voir leurs revenus s'améliorer.
Source: www.linfodurable.fr