Besoin de « sociabiliser », de « se divertir »: les jeunes lucides face à la « drogue » des écrans
Les réseaux sociaux ou les vidéos en ligne, "c'est comme une drogue": alors qu'Emmanuel Macron brandit la menace d'une régulation de l'usage des écrans, des collégiens disent être conscients des risques de surexposition, mais concèdent avoir besoin de "sociabiliser" ou envie "de se divertir".
« Quand t’es tout le temps sur l’écran, c’est comme une drogue, tu ne peux plus t’en empêcher après », reconnaît Bilal, 15 ans, patientant devant son collège de Mantes-la-Jolie (Yvelines) avant son ouverture.
Comme la vingtaine de ses camarades rassemblés devant l'établissement, l'élève de 3ème a les yeux rivés sur son portable dont "il ne peut pas se passer", à regarder des vidéos sur le réseau social TikTok.
"Je pense faire partie des personnes accro (aux écrans) (…) je fuis la réalité", confie Lila, 14 ans, collégienne de 3ème à Courbevoie (Hauts-de-Seine). L'adolescente qui n'a pas droit aux réseaux sociaux, explique regarder "beaucoup la télé le week-end", et utiliser Whatsapp pour parler avec ses amis, un besoin pour "sociabiliser".
Lors de sa conférence de presse mi-janvier, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d'un groupe d'experts chargés de rendre un rapport sur l'impact des écrans sur la santé physique et mentale des enfants et adolescents, avec à la clef des préconisations dont de possibles "interdictions et des restrictions".
Leurs travaux attendus pour mars/avril proposeront des "recommandations de régulation", a dit jeudi la ministre de la Santé Catherine Vautrin.
– Répercussions –
Les écrans, Bilal les regarde "pour se divertir. PS5, Iphone, ordinateur: le collégien y consacre en tout "5 heures par jour", en-dessous de la moyenne – 6h18 – selon un autre baromètre sur les adolescents publié fin janvier, par la structure "Notre avenir à tous" et Ipsos.
Résultat: 5, 6 heures de sommeil "pas assez" selon l'intéressé et des "tensions de temps en temps" avec ses parents concernant la télé installée dans sa chambre, énième écran contre lequel lutter le soir. Son remède face à tout ça ? Nina, sa chienne. "Quand je joue avec elle, que je la promène, j'oublie que j'ai un Iphone", sourit-il.
Une preuve qu'il est possible de résister pour "cette génération façonnée par le portable dès le berceau", analyse la spécialiste des questions sur la jeunesse Hélène Roques.
Selon elle, la distanciation sociale entre les ados et les parents causée par le confinement a renforcé celle créée par le smartphone.
"Les pédopsychiatres observent que la génération de parents actuels savent moins jouer avec les enfants", explique-t-elle.
Dans son deuxième baromètre sur l'impact des écrans face au développement des jeunes enfants dévoilé jeudi, l'association Fondation pour l'enfance relève que 96% des parents ont conscience que l'usage des écrans impacte le développement de leur enfant, mais 56% d'entre eux sous-estiment les répercussions de leurs propres pratiques face à cette situation.
– Restrictions –
Léa, 13 ans, en 5ème, n'est elle pas seule face aux écrans. "J'ai entendu par mes parents, par les infos que ça pouvait être pas bon pour la mémoire, les yeux, qu'on pouvait avoir mal à la tête, être fatigué", indique-t-elle à l'AFP.
Collégienne au Vésinet, elle détient un portable depuis la rentrée 2023. Elle s'est rapidement imposée des restrictions pour ne pas s'enfermer dans une "bulle déconnectée de la réalité" : "pas de Snapchat, j'ai laissé tomber Insta". Et TikTok ? "Pas intéressant, pas intelligent", tranche Léa. Si elle ressent parfois un "tout petit manque" en l'absence des écrans, elle ne manque pas d'activités pour compenser: jeux de société, lectures ou encore créations d'origami.
Octave, 10 ans, n'est pas encore détenteur d'un téléphone portable. Le garçon scolarisé à Paris dans le 18ème arrondissement a quand même des écrans à sa disposition entre son ordinateur, sa console de jeu et le téléphone de sa mère. Pour contrebalancer, lui privilégie le foot en club, le judo et le piano.
Avec tout ça, Octave est convaincu que les écrans ne devraient pas prendre le dessus sur son projet professionnel: devenir footballeur comme "Mbappé, Jude Bellingham ou Vinicius Jr".
Source: www.linfodurable.fr