Transformer le parc immobilier dans un contexte de mutations sociétales
Les villes doivent aujourd’hui relever de nombreux défis qui les poussent à se réinventer. Parmi eux, répondre à la demande croissante en logements tout en améliorant leur résilience et en réduisant leur empreinte carbone. L’étalement urbain n’étant plus une option, l’enjeu porte en particulier sur l’optimisation du parc immobilier existant : améliorer ses performances énergétiques, mais aussi réaffecter les infrastructures inutilisées pour répondre aux besoins actuels. Dans un contexte tendu pour le marché résidentiel, le recyclage urbain – et en particulier la transformation de bureaux vacants en logements – apparaît comme une solution efficace pour allier sobriété énergétique et foncière. En Île-de-France par exemple, plus de 5 millions de m² de bureaux restent inoccupés.
Table des matières
Un exemple de transformation à Helsinki
Lors du premier atelier du groupe de travail « Un plan Marshall pour la ville du futur : vers un modèle urbain à faible émission de carbone », co-piloté par Edmond de Rothschild Asset Management et tenu le 15 janvier, des experts ont discuté d’un exemple concret de transformation urbaine réussie. Le projet concernait un immeuble situé dans le quartier de Katajanokka, à Helsinki, l’un des plus attractifs de la ville.
À lire : "Nous souhaitons travailler sur le stock existant, construire la ville sur la ville"
Acquis en 2018 par Edmond de Rothschild Real Estate Investment Management pour 13 millions d’euros (soit 1 600 euros le mètre carré), cet immeuble d’environ 8 000 m² avait déjà connu plusieurs vies. "À l’origine, il abritait une fabrique de cordes avant d’être transformé, dans les années 1980, en immeuble de bureaux. La municipalité, désireuse de redynamiser le quartier, s’est montrée favorable à un changement d’affectation, à condition de préserver une activité commerciale prépondérante", a expliqué Pierre Jacquot, CEO d’Edmond de Rothschild REIM.
Pour répondre à ces contraintes, la société de gestion a mis en place une approche mixte, combinant résidentiel (traditionnel et géré) et commercial. « Le rez-de-chaussée de l’immeuble, d’environ 2 000 m², a été aménagé pour accueillir une épicerie, un supermarché de proximité et des espaces de restauration rapide. En complément, le toit a été transformé pour inclure un sauna et un rooftop végétalisé offrant une vue panoramique sur le port d’Helsinki », a-t-il poursuivi.
Valoriser le stock existant
Les travaux d’envergure menés sur l’immeuble ont permis de le hisser aux standards environnementaux les plus exigeants. « Initialement, nous visions le label LEED Gold, mais le bâtiment a finalement obtenu la certification LEED Platinum », a encore précisé Pierre Jacquot. « À son achèvement, il était le plus grand bâtiment résidentiel rénové certifié LEED Platinum en Europe. » Ces travaux comprenaient un renforcement de l’isolation, l’installation sur le toit de la plus grande centrale photovoltaïque du centre-ville d’Helsinki, ainsi que des aménagements favorisant la mobilité douce : 168 places de stationnement pour vélos, dont certaines équipées de prises pour vélos électriques, et des bornes de recharge pour voitures électriques.
"Travailler sur le stock existant est une conviction fondamentale, a affirmé Pierre Jacquot. Construire un immeuble neuf mobilise une ressource limitée : le terrain. Réutiliser des bâtiments déjà présents permet de s’affranchir de cette contrainte tout en valorisant des structures existantes, même lorsqu’une rénovation importante est nécessaire." Cette approche s’accompagne d’une réflexion sur l’intégration du bâtiment dans son environnement urbain. "En tant qu’investisseurs, il est essentiel de raisonner à l’échelle d’un quartier plutôt que de considérer un immeuble comme une entité isolée. Il faut toujours se mettre à la place de l’utilisateur et réfléchir à ses attentes en matière de services, de confort et de proximité", a-t-il ajouté.
"Nous croyons beaucoup à l’approche mixte, qui combine résidentiel et commercial, car elle permet d’offrir de nombreux services au sein d’un même ensemble immobilier. Il s’agit ainsi de conjuguer les concepts de 'lieu de vie' et de 'ville du quart d’heure', où proximité des services et mobilités douces sont primordiales. Aujourd’hui, développer ce type d’ensemble très connecté fait beaucoup sens", a commenté Xavier Pelton, Directeur de l’immobilier de placement du Groupe AG2R LA MONDIALE.
En tant qu’investisseurs, il est essentiel de raisonner à l’échelle d’un quartier plutôt que de considérer un immeuble comme une entité isolée. Il faut toujours se mettre à la place de l’utilisateur et réfléchir à ses attentes en matière de services, de confort et de proximité."
Des obstacles à lever
Après trois ans de travaux, le bâtiment a été revendu en octobre 2022, générant un TRI de plus de 20 % et un multiple net de 1,66. Malgré ce succès, plusieurs freins limitent aujourd’hui la réplicabilité de ce type de projets. "On pourrait penser qu’il suffit de transformer des bureaux en logements pour résoudre la crise, mais encore faut-il que les immeubles s’y prêtent. Tous ne sont pas techniquement transformables", a expliqué Pierre Jacquot.
La viabilité financière de ce type d’opérations représente également un défi majeur. « Pour que cela fonctionne, le prix d’achat doit permettre, après rénovation, de maintenir un équilibre économique. Or, aujourd’hui, de nombreuses opérations échouent parce que les valorisations initiales rendent impossible un modèle viable », a expliqué Pierre Jacquot. Par ailleurs, certains facteurs, comme l’encadrement des loyers, peuvent freiner les investisseurs de long terme. « Dans le contexte économique actuel, les enjeux de rentabilité peuvent ralentir les investissements dans l’immobilier résidentiel », note Xavier Pelton.
Les contraintes administratives peuvent également constituer un obstacle. »Le dialogue avec les municipalités est clé, et il est important pour nous de comprendre les potentiels biais qu’ils peuvent avoir. Certaines communes peuvent avoir une préférence pour le maintien de bureaux, tandis que d’autres vont favoriser l’augmentation du nombre de logements. Dans tous les cas, et là réside un des facteurs clés de succès pour toute opération de cette envergure, nous devons mener ensemble avec les pouvoirs publics une démarche de réflexion, de flexibilité et une approche pragmatique centrée sur les besoins des utilisateurs. »
"Les obstacles administratifs, la valorisation initiale de l’actif, la volonté politique et la faisabilité financière sont autant d’éléments déterminants à considérer avant de se lancer dans une opération de ce type", a estimé Pierre Jacquot, pour qui le projet à Helsinki illustre parfaitement cette réalité : "Son succès a reposé sur une combinaison de conditions favorables : un prix d’acquisition très bas, une autorisation de construire obtenue dans de bonnes conditions, des travaux réalisés sans encombre et un timing de revente idéal. Sans l’un de ces éléments, l’opération n’aurait pas été possible."
"Il est souvent difficile d’aligner tous les paramètres nécessaires pour rendre ce type de projet multi-facettes réalisables, mais nous aimerions beaucoup reproduire ce type d’opérations", a confié Pierre Jacquot. "Aujourd’hui, les opportunités restent encore limitées en raison d’une accumulation de contraintes, mais la bonne nouvelle est que nous disposons de capital, de volonté et d’intérêt de la part de nos clients pour ce type d’investissement", a résumé Nathalie Wallace, Chief Sustainability Officer du groupe Edmond de Rothschild.
Source: www.linfodurable.fr