Publication des données extra-financières : les banquiers traînent des pieds
Cette directive a été adoptée durant la précédente législature européenne dans le sillage du Pacte vert, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en ligne de mire.
Mais sa « mise en oeuvre technique est compliquée » pour les acteurs bancaires, explique à l’AFP Arnaud Bourdeille, associé au sein ducabinet KPMG, « parce que c’est nouveau et que ça nécessite une multitude d’infos ».
Les banques, comme l'ensemble des grandes entreprises, sont les premières concernées par cet ensemble de règles transposées par la France fin 2023. Elles travaillent depuis des mois sur le sujet.
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Un coût "extrêmement important"
Après avoir évalué ce qu'il était pertinent de publier – la CSRD laisse en effet une marge d'appréciation – les établissements ont dû collecter des données qui dépendent souvent de leurs clients, et les mettre en forme.
Leurs directions financières sont fortement mises à contribution, avec la collaboration des équipes juridiques, celles encadrant les risques, les ressources humaines… Beaucoup font également appel à des cabinets extérieurs.
Le coût de la CSRD est par conséquent « extrêmement important », admet Valérie Combes Santonja, directrice de l’impact au sein du groupe BPCE. La dirigeante compte jusqu’à plus de 150 collaborateurs mobilisés sur le sujet.
"Oui ça va coûter plus cher mais les grandes entreprises ont les moyens humains et les leviers financiers de le faire", soulignait début décembre Eric Lombard, quelques semaines avant de devenir ministre de l'Économie.
Une année test
Les professionnels interrogés questionnent l'utilité de ces rapports, qui risquent de manquer un de leurs objectifs principaux : l'harmonisation des données, tant ils s’annoncent hétérogènes.
"On a tous testé des choses", précise Mme Combes Santonja, "on pense qu'il va falloir quelques années pour pouvoir comparer" les travaux de chacun.
Paul Schreiber, de l'ONG de défense du climat Reclaim finance, n'en espère pas grand chose. Il s'attend à y trouver des éléments déjà publiés par ailleurs, le tout dans un format peu lisible.
Lesbanques comptant plus de 500 salariés sont déjà tenues de réaliser une déclaration annuelle de performance extra-financière (DPEF).
Ces documents sont loin d'être parfaits, prévenait en décembre l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui a relevé des problèmes d'absence et de pertinence des informations et des manques de transparence sur la méthodologie.
"On sait qu'on est dans une année ou le premier exercice n'est pas forcément exhaustif", prévient l'ancien dirigeant syndical de la CFDT Laurent Berger, en charge aujourd'hui de ces sujets au sein de l'alliance fédérale du Crédit Mutuel.
"Se mettre une pression pour avoir quelque chose d'aussi parfait que des rapports financiers que les établissements produisent depuis 20 à 30 ans est illusoire", note M. Bourdeille.
Il glisse cependant un conseil de lecture : "les rapports qui seront considérés comme louches seront ceux qui concluent que tout est nickel".
"Contrainte nécessaire"
Les travaux liés à la CSRD sont "un outil qui va nous aider à piloter demain un peu mieux nos ambitions environnementales, sociales et sociétales« , explique Laurent Berger, une sorte de « contrainte nécessaire et utile ».
Cette voix est rare dans le secteur bancaire et tranche avec la position du directeur directeur général de BNP Paribas Jean-Laurent Bonnafé. Le patron de la première banque française avait qualifié fin novembre la CSRD de "délire bureaucratique".
La Fédération bancaire française (FBF) n'en est pas très éloignée. Sollicitée par l'AFP, elle "note avec intérêt la volonté affichée par la Commission européenne de simplifier les textes réglementaires relatifs à la finance durable", CSRD en tête.
Dite "omnibus", cette législation "pourrait avoir une incidence sur le contenu des rapports, avec une simplification voire une suppression de certaines informations attendues des entreprises", observe Arthur Sauzay, avocat associé au sein du cabinet A&O Shearman.
Mais compte-tenu du calendrier, "il n'est toutefois pas évident que les rapports attendus pour 2024 soient directement affectés", selon lui.
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Avec AFP.
Source: www.linfodurable.fr