Loi sur les « polluants éternels » : comment l’industrie textile navigue entre conflits et enjeux
Dans nos imperméables, nos chaussures de randonnée, nos combinaisons de plongée mais aussi nos vêtements de tous les jours, les substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) sont prisées car résistantes aux fortes chaleurs, déperlantes, antitaches et antiadhésives.
Mais ces « polluants éternels », extrêmement persistants dans l’environnement et le corps humain, inquiètent pouvoirs publics et opinion. On les retrouve « en particulier dans les vêtements sportifs« , constate le rapport sur la proposition de loi (PPL) écologiste visant à « protéger la population des risques » liés aux PFAS, validée définitivement fin février par le Parlement.
Lucile Wittersheim, chercheuse de 32 ans, avait déjà proscrit de sa cuisine toutes les poêles au revêtement anti-adhésif avant de découvrir "assez récemment qu'il y a aussi des PFAS dans les textiles". Elle lave alors "deux fois les vêtements neufs" et privilégie la seconde main, avant d’apprendre par un ami qu »‘il est possible » que les fibres abîmées rejettent davantage de particules lors du lavage que les neuves.
"J'ai beaucoup d'interrogations, peu de réponses", s'inquiète la mère de famille auprès de l'AFP. Olivia Chapuis, qui travaille dans la communication, soupire: "On est un peu dans une société où tout est dangereux : la viande, les vêtements…". La trentenaire avoue à l'AFP ne pas vérifier s'il y a des PFAS dans ses vêtements mais a prohibé la "fast fashion » de sa garde-robe.
"Le standard, c'est avec PFAS"
Au 1er janvier 2026 seront interdites "la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché" de tout vêtement ou chaussure contenant des PFAS en France, à l'exception de ceux "conçus pour la protection et la sécurité des personnes" (défense nationale et sécurité civile).
Et en 2030, cette interdiction concernera l'ensemble des textiles (ameublement, automobile, etc.) Un calendrier plus tardif et étalé que la proposition de loi initiale ne le prévoyait, obtenu de haute lutte par certains acteurs du secteur textile.
Ainsi l'Union des industries textiles (UIT) salue « les évolutions du texte » mais signale « l’absence de disposition concernant l’écoulement des stocks existants ». La fédération – qui regroupe quelque 2.400 entreprises textiles (mode, luxe, maison, automobile, aéronautique, etc.) – s’interroge aussi sur « le calendrier d’application, en avance sur le reste de l’Europe » qui « risque de créer une distorsion de concurrence ».
De fait, si l'UE réfléchit à la question, la loi française vient créer une différence de standards à l'échelle européenne qui chagrine certains, quand d'autres s'en réjouissent.
Les marques de sports de plein air, particulièrement sensibilisées aux enjeux environnementaux, « se sont orientées vers d’autres composants » depuis plusieurs années déjà, témoigne Céline Brunel, directrice de l’association Outdoor Sports Valley (OSV).
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Notamment celles qui exportent aux Etats-Unis, un pays "qui a mis en place des restrictions bien plus tôt qu'en France". Le suédois H&M, également, avait indiqué au rapporteur de la loi ne plus utiliser de PFAS "depuis dix ans".
Des marques ont commencé sans, comme Lagoped, spécialisée dans les sports d'aventure (montagne, voile, etc.) qui décide dès sa création en 2018 « de ne pas inclure de PFAS », selon son PDG Christophe Cordonnier.
"Quand on achète nos tissus, on doit préciser 'sans PFAS', sinon le standard c'est avec, c'est fou", témoigne le dirigeant qui affirme à l'AFP que s'approvisionner ainsi ne coûte pas plus cher, mais confesse que les textiles sont un peu moins performants.
Il aura d'ailleurs fallu "une décennie de développement" à Gore-Tex pour concevoir une membrane "légère, fine et résistante" sans PFAS, "bien que des traces résiduelles puissent encore persister", détaille la marque américaine à l'AFP.
Et elle met en garde: "pour les vêtements techniques" exclus de la loi, "à ce jour, nous n'avons pas trouvé d'autre matériau offrant les mêmes avantages de protection nécessaires", bien que des tests soient en cours.
Avec AFP.
Source: www.linfodurable.fr