Idée reçue : les coquillages absorbent du CO2
Parmi les secteurs d’activité émettant des gaz à effet de serre, certains, comme l’aviation ou l’automobile, sont évidents. D’autres, en revanche, sont bien moins ancrés dans l’imaginaire collectif. C’est notamment le cas de la conchyliculture. L’élevage des coquillages a même longtemps été l’objet d’un cliché largement répandu dans la communauté scientifique : il agirait comme un puits de carbone. Mais une étude publiée dans la revue Reviews in Aquaculture a démenti cette idée reçue.
Sous la direction de Fabrice Pernet, chercheur en écologie des organismes marins à l’institut français de recherche dédié à la connaissance de l’océan (Ifremer), les scientifiques se sont penchés sur cette contre-vérité qui trouverait son origine dans une étude chinoise publiée en 2011 et reprise plus de 200 fois depuis. Jusqu’aux plus hautes sphères institutionnelles. En 2022, le Conseil consultatif de l’aquaculture a recommandé à la Commission européenne d’étudier un mécanisme de crédits carbone pour l’élevage des coquillages.
Une conception erronée de la chimie des carbonates
"J'avais beaucoup de questions quant au fait d'accorder des crédits carbone à la conchyliculture" indique Fabrice Pernet à l’AFP, "et je ne comprenais pas qu'on me pose la question. J’ai toujours appris à l'école que les seuls puits de CO2 vivants, c'étaient les plantes, les végétaux". Les chercheurs ont analysé 51 articles scientifiques étudiant les liens entre les coquillages et le dioxyde de carbone, et ont constaté que 36 d’entre eux reprenaient l’idée reçue de l’absorption du gaz par les coquilles. Une erreur due à une conception erronée de la chimie des carbonates. "Le principal malentendu réside dans l'idée que le carbone des coquilles proviendrait du CO2 atmosphérique, alors qu'il est essentiellement issu d’ions carbonate ou bicarbonate provenant de l’érosion des roches. Leur incorporation dans les coquilles n’entraîne donc pas de capture du CO2 présent dans l’atmosphère » explique Fabrice Pernet dans un communiqué.
Les coquillages émettent du CO2. Quelles sont les solutions pour réduire ces émissions ?
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Non seulement les coquillages n’absorbent pas de CO2, mais ils en émettent. À la fois en respirant, mais aussi en fabriquant leurs coquilles, la calcification libérant du CO2 dans l’eau. Et plus l’océan contient de CO2, plus son acidité augmente et plus sa capacité à absorber le dioxyde de carbone présent dans l’air diminue. Des océans plus acides peuvent aussi nuire à la biodiversité en rendant plus difficile la fabrication des coquilles ou des squelettes des coraux.
Des solutions simples pour limiter l’empreinte carbone
Si la conchyliculture n’est pas un puits de carbone, les auteurs de l’étude rappellent qu’elle offre tout de même de nombreux services à l’environnement, comme la clarification de l’eau de mer ou la régulation de l’azote et du phosphore. Et, selon Fabrice Pernet, elle reste « la manière de produire des protéines animales la moins intensive en carbone ».
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Pour les scientifiques, il existe des solutions pour réduire l’empreinte carbone de l’élevage des coquillages. D’une part, en remettant les coquilles dans l’océan après consommation. « Si la fabrication de la coquille est productrice de CO2, sa dissolution en consomme. Aujourd’hui, les déchets coquillés sont malheureusement incinérés en grande partie et ainsi transformés en CO2 atmosphérique. La remise à l’eau des coquilles pourrait donc diminuer les émissions de CO2 de la conchyliculture », analyse Fabrice Pernet. D’autre part, en associant à la conchyliculture des cultures d’algues qui, grâce à la photosynthèse, pourraient absorber une partie du dioxyde de carbone émis par l’élevage.
Source: www.linfodurable.fr