Face aux effets du changement climatique, le BTP tente de s’adapter
"Dès qu'on est sur du zinc, on chauffe avec lui": l'orage de la nuit précédente avait adouci les températures, passées de 35 à 23°C mercredi matin, pour autant Romain Florentin a déjà chaud, perché sur un toit parisien au sixième étage où il crée une ventilation, le visage rouge dégoulinant de sueur.
« Hier, c’était très compliqué, on a mouillé le maillot. Ça reste moins chaud (aujourd’hui), mais c’est quand même dur », explique le couvreur-zingueur de 35 ans.
La région Ile-de-France a annoncé lundi l'activation du plan canicule. Mardi, le mercure a grimpé jusqu’à 35°C à Paris.
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Les salariés du BTP, particulièrement exposés au changement climatique
Couvreur-zingueur depuis 17 ans, Romain Florentin dit ressentir les effets du changement climatique, avec "des étés de plus en plus chauds et des hivers de moins en moins froids".
En période de canicule, les salariés du BTP sont particulièrement exposés aux risques engendrés par des températures élevées.
Coups de chaleur, malaises, déshydratation, insolation… "tout ça peut générer des accidents graves et mortels sur les chantiers », signale Malika Benamar, experte chargée de l’organisation des chantiers à l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics).
En 2023, Santé publique France a recensé onze accidents du travail mortels en lien possible avec la chaleur, durant l'été. Près de la moitié "sont survenus dans le cadre d'une activité professionnelle de construction et travaux", selon l'organisme.
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Adapter les conditions de travail
Hydratation, horaires décalés, pauses fréquentes… les chantiers s'organisent pour prévenir la santé des salariés et permettre la continuité des travaux.
"On s'hydrate, on boit beaucoup d'eau, dès qu'on peut on se met un peu à l'ombre, on essaie de commencer un peu plus tôt et de finir un peu plus tôt", détaille Romain Florentin.
Mêmes mesures pour les grands groupes du BTP. Chez NGE, les bases vie ont été "systématiquement climatisées", souligne Xavier Julien, directeur prévention du groupe.
"On a des chantiers qui étaient prévus de jour et qu'on a décidé de faire de nuit pour des raisons climatiques exclusives. Et ce n'était pas une demande du client", ajoute-t-il.
Bouygues Construction adapte les tenues des ouvriers aux fortes chaleurs, indique le groupe à l’AFP.
"Ils sont par exemple équipés de protège-nuque derrière le casque et nous testons des gilets rétroréfléchissants que l'on peut humidifier. Cela garde la fraîcheur sur les épaules tout l'après-midi", précise l'entreprise.
Comme d'autres groupes, Eiffage expérimente un bracelet connecté anti-coup de chaleur capable de donner l'alerte, inventé par une start-up.
Un motif de chômage technique
Depuis fin juin la canicule a rejoint la neige, le gel et le vent dans la liste des intempéries reconnues en France comme un motif de chômage technique pour les ouvriers du bâtiment, ouvrant la voie à des indemnisations en cas d’arrêt de chantier.
L'indemnisation devrait être versée par une "caisse nationale de surcompensation" abondée par des "cotisations intempéries" versées par les entreprises du BTP.
Cette initiative permettra de mieux protéger les salariés, se réjouit Thierry Gesset-Parment, vice-président de la caisse intempéries BTP de l'Ile-de-France et président de l'organisation professionnelle Capeb Grand Paris (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment).
"C'est une très bonne chose pour les salariés confrontés à des chaleurs excessives en extérieur, comme aujourd'hui sur un toit en zinc, ou avec le fer à souder", poursuit-il.
Mais un mois après l'entrée en vigueur de la mesure, "elle a du mal à se mettre en route", relève Ludovic Durand, délégué syndical CFDT chez Bouygues.
"Les responsables sont sur la réserve. Depuis le début de la semaine, il y a eu des aménagements d’horaires de travail certes, mais les employeurs n’ont pas mis en route le plan canicule concernant l’arrêt de travail, même sur une vigilance canicule orange », ajoute-t-il.
Et le troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3), fondé sur l'hypothèse d'un réchauffement de 4°C en France d'ici 2100, prévu initialement au printemps, se fait attendre.
Une première version comprenait une cinquantaine de mesures, comme une refonte du code du travail – pour adapter les horaires aux pics de chaleur -, des encouragements aux îlots de fraîcheur dans les villes ou encore une refonte des normes pour la construction ou les infrastructures.
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Avec AFP.
Source: www.linfodurable.fr