Dans les laiteries, réutiliser l' »eau de vache » pour moins pomper dans le réseau
Cette "eau de vache » sert couramment à laver les camions-citernes qui ont collecté le lait. Mais d’autres usages, au contact des aliments, sont appelés à se développer, après traitement et en fonction des réglementations locales.
En bordure de la cité côtière de Saint-Malo (ouest de la France), l’usine Malo produit les yaourts premium du même nom ainsi que de la poudre de lait entier, vendue aux fabricants de chocolat ou de viennoiseries.
Pour obtenir cette poudre, le lait, composé à près de 90 % d'eau, est injecté dans un concentrateur, un tube vertical en inox d'une vingtaine de mètres de haut.
Sur un mini-hublot, des gouttes de vapeur apparaissent : l'eau a été séparée du gras, des protéines, du lactose et sels minéraux contenus dans le lait – autant de matières récupérées sous forme de concentré, lequel sera encore séché et broyé en poudre.
Une réglementation élargie en France
"Avec quatre litres de lait, on va sortir un litre de concentré et trois litres de condensat. (…) On appelle ça, dans notre métier, de l’eau de vache », explique le directeur du site, Xavier Macé.
Les anglophones parlent de "cow water », jouant avec le mot vache et le sigle COW pour « condensate of whey » (condensat de lactosérum).
La France a récemment modifié sa réglementation pour élargir les possibilités de réutilisation de cette « eau de vache » mais aussi des eaux usées traitées dans les stations d’épuration propres aux usines.
Le texte a mis du temps à sortir, les autorités voulant prévenir au maximum les risques sanitaires.
La réutilisation permet de réduire la pression sur l'eau potable, objet de conflits entre usagers (agriculteurs, particuliers, industriels, loisirs…) quand elle vient à manquer.
Le secteur agroalimentaire, qui a redouté des coupures pendant la sécheresse de 2022, ne peut tourner sans eau, pour laver les ingrédients ou les chaînes de production. Les laiteries soulignent leur particularité : en cas d’arrêt d’activité, le lait ne peut pas non plus être collecté chez les éleveurs et risque d’être jeté.
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L'eau des betteraves aussi
A Saint-Malo, l'usine utilise chaque année 20 000 m3 d'eau de vache, l'équivalent de huit piscines olympiques, pour laver l'extérieur des camions de collecte ou alimenter le système de chauffage. Cela représente 10 % de sa consommation d'eau, pour une facture allégée de 40 000 euros par an.
La laiterie n'exploite pas encore toute l'eau de vache qu'elle récupère et pourrait tripler cette économie avec l'assouplissement de la réglementation nationale. A condition de traiter cette eau pour des usages sensibles, comme le nettoyage des installations entre deux parfums de yaourt.
Le site n'a pas encore chiffré les investissements nécessaires. "Cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, il faut rendre l'eau totalement potable", souligne Xavier Macé.
Un rapport commun de l'organisation des Nations unies pour la santé (OMS) et celle pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) soulignait en 2023 le "fort potentiel d'exploitation des différents gisements d'eau réutilisable » (eau de vache, eaux usées traitées) dans l’industrie laitière.
Mais le déploiement à grande échelle des solutions de réutilisation tarde, regrettent les institutions internationales, qui jugent "urgent" le "partage d'expériences" en la matière pour que des laiteries même modestes s'y mettent.
Le leader mondial de l'agroalimentaire Nestlé indique à l'AFP recycler l'eau de vache dans plusieurs de ses sites de fabrication de poudre de lait, "en particulier dans les régions où les ressources en eau sont limitées". Il a commencé par son usine de Lagos de Moreno, au Mexique. "Au vu du succès de l'opération", il a ensuite déployé la technologie en Afrique du Sud, au Brésil ou dans le sud de l'Asie.
Le lait n'est pas la seule matière première agricole riche en eau réutilisable : les betteraves à sucre en contiennent 75 %. Le groupe coopératif français Cristal Union récupère ainsi l’eau issue du procédé d’extraction du sucre pour irriguer les champs alentour.
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Avec AFP.
Source: www.linfodurable.fr